En présence d’un dommage corporel ou d’un décès, il n’est pas rare que l’assureur refuse d’accorder sa garantie en considérant qu’on n’est pas en présence d’un accident sous prétexte qu’aucun élément extérieur à la victime n’est à l’origine du dommage.

L’assurance dite GAV (Garantie des Accidents de la Vie) repose sur l’idée que nul n’est à l’abri d’un accident domestique ou de loisir et qu’il est prudent de s’assurer.

Dans la majorité des contrats Multirisques Accidents de la Vie, les garanties sont susceptibles d’intervenir lorsque :

-  l’atteinte à l’intégrité corporelle de l’assurée est accidentelle, c’est-à-dire non-intentionnelle de sa part,

-      et, résultant de l’action soudaine d’une cause extérieure.

Sont généralement visés dans les documents publicitaires, à titre d’exemples, les accidents de la vie privée au domicile, les chutes dans les escaliers ou d’une échelle et les blessures en pratiquant un sport, le jardinage ou le bricolage.

Pourtant, certains exemples illustrent la frilosité des compagnies d’assurance à admettre leur garantie, à titre d’exemples :

  • L’assuré avait fait une chute dans l’escalier avec des conséquences corporelles sérieuses, l’assureur a dénié sa garantie au motif que l’accident ne résultait pas d’une cause extérieure à la victime ;
  • L’assureur a estimé qu’une entorse lors de la pratique d’un sport n’était pas garantie parce que cette blessure n’était pas liée à un élément extérieur constituant un fait accidentel.

Le Médiateur de la Fédération Française des Sociétés d’Assurances regrette une telle dérive qui revient, selon lui à vider l’assurance des accidents de la vie de son sens[1].

Alors quelle est la définition de l’accident ?

La majorité des contrats définissent l'accident comme “une atteinte corporelle, non intentionnelle de la part de l'assuré, provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure”.

Cette définition, inspirée de celle forgée de longue date par la jurisprudence (Cass. soc., 9 avr. 1943), tente de caractériser le fait accidentel en mettant l'accent sur sa soudaineté et son extranéité par rapport à la victime.

Très souvent, des assureurs voient dans cette exigence d'extranéité la nécessité, pour l'assuré ou pour le bénéficiaire, d'apporter la preuve d'un fait dommageable dans lequel la victime n'a aucune part.

Il n'est pas rare, en effet, qu'ils déclinent leur garantie au motif que le dommage est dû à la seule maladresse de la victime.

C'est ajouter une condition à celles prévues par la définition.

De telles prétentions doivent être fermement combattues car elles dénaturent le contrat.

Exemples de décisions accordant la garantie de l'assureur

Parfois certains juges ont pu être leurrés par cette présentation erronée des conditions de garantie, mais la Cour de cassation a réaffirmé sa position, notamment dans une dramatique affaire où la victime est décédée étouffée par un aliment :

Attendu que, pour débouter Mme P. de sa demande, l'arrêt énonce que les conditions générales du contrat définissent le décès accidentel ouvrant droit au versement du capital décès comme étant « toute atteinte corporelle, non intentionnelle de l'assuré, provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure » ;

Que l'action soudaine d'une cause extérieure s'entend d'un décès causé par un élément extérieur, et que tel n'est pas le cas dans la présente espèce où le décès n'est pas dû à l'aliment ingéré, inoffensif en lui-même, mais à la fausse route alimentaire qui est due à l'action de M. P. lui-même ; que, partant, les conditions d'ouverture de la garantie ne sont pas remplies ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que le décès de M. P. était dû à l'asphyxie consécutive à l'obstruction de ses voies aériennes par l'aliment ingéré, ce dont il résultait qu'il provenait au sens du contrat d'assurance de l'action soudaine d'une cause extérieure, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés.

Autre exemple : dans une décision ayant estimé que le décès d'un assuré à la suite d'un choc avec un train alors qu'il traversait une voie était accidentel, ce comportement s'expliquant par le fait qu'il avait manqué son arrêt et tenté de le rejoindre ainsi que par son impotence et par sa tendance à des pertes d'équilibre (Cass. 1re civ., 1er févr. 2000). Il n'y a donc pas lieu de tenir compte a priori des handicaps de l'assuré.

Enfin, qui doit prouver l’accident ?

En matière de condition de garantie, c’est le cas des dommages accidentels, il revient à l’assuré de prouver le caractère accidentel (Cass. civ. 13 mars 1996).

En cas d’exclusion, la preuve appartient à l’assureur puisque celui-ci cherche à se désengager (Cass. Civ. 1ère 15 oct. 1980).

La faute intentionnelle est définie comme la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu et il appartient donc à l’assureur de prouver la création délibérée du risque (2e Civ., 1er juillet 2010).

À partir du moment où il est établi que la victime présentait des blessures résultant d'un choc violent avec une surface ou un objet dur après une chute d'un échafaudage, l'hypothèse soutenue par l'assureur selon laquelle la chute était due à un malaise doit être rejetée (Cass. 2e civ., 3 mai 2006).

Ainsi, il a été jugé que le bénéficiaire du capital en cas de décès n'est tenu de prouver que la chute mortelle de l'assuré dans un escalier, l'assureur étant, lui, dans l'obligation d'administrer la preuve du bien-fondé de ses allégations (CA Dijon, 1re ch., 25 mai 1988).

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Restant à votre disposition,

Claudia CANINI

Avocat à la Cour

www.canini-avocat.com

 


[1] Rapport 2004 du Médiateur de la FFSA