Un arrêt récent de la Cour de cassation rappelle avec force le principe de nécessité qui gouverne les mesures de protection juridique.

Pour refuser une demande de mainlevée (suppression) d'une curatelle, le juge doit impérativement constater, au moment où il statue, la persistance de l'altération des facultés de la personne protégée et, dans le cas d'une curatelle simple, justifier son besoin d'assistance continue pour les actes importants de sa vie civile.

Le contexte : Une femme, placée sous curatelle renforcée en 2017, a demandé la mainlevée de cette mesure en 2019. La cour d'appel a certes allégé la mesure en la transformant en curatelle simple, mais l'a maintenue pour la durée initiale et avec le même mandataire. La personne protégée a alors formé un pourvoi en cassation.

La décision de la Cour de cassation : La Cour de cassation a annulé l'arrêt de la cour d'appel. Elle a rappelé que pour maintenir une mesure de protection (ici une curatelle), le juge doit vérifier, au moment où il prend sa décision, que les conditions initiales de l'article 425 du Code civil sont toujours réunies : une altération des facultés personnelles, médicalement constatée, empêchant l'expression de la volonté. Le juge doit en outre constater le besoin de protection.

Les points clés de l'arrêt :

  • Obligation de constatation actuelle : Le juge ne peut pas refuser la mainlevée sans constater, à la date de sa décision, la persistance de l'altération des facultés.
  • Rôle du certificat médical : Si la production d'un certificat médical n'est pas une condition de recevabilité de la demande de mainlevée, elle est essentielle pour le juge. En l'espèce, le certificat médical produit concluait à une curatelle allégée. Le médecin inscrit sur la liste du procureur de la République n'avait rien constaté ; il s'était borné à relever, qu'une curatelle allégée suffisait.
  • Justification du besoin d'assistance : Le juge doit en plus justifier pourquoi la personne a toujours besoin d'être assistée de manière continue pour les actes importants de sa vie civile.
  • Renforcement du principe de nécessité : Cet arrêt rappelle que le principe de nécessité s'applique non seulement lors de la mise en place de la mesure, mais également lors de son maintien. La gravité de l'altération doit toujours être mise en adéquation avec le type de mesure (curatelle simple, renforcée ou tutelle).
  • Charge de la preuve : La Cour de cassation insiste sur le fait que ce n'est pas à la personne protégée de prouver l'amélioration de son état. C'est au juge qu'il incombe d'apporter la preuve de la nécessité de maintenir la mesure de protection, la capacité juridique étant le principe.

En conclusion : Cet arrêt est un signal fort en faveur des droits des personnes protégées.

Il rappelle aux juges des tutelles leur obligation de fonder leurs décisions sur une évaluation actuelle et concrète de la nécessité de maintenir une mesure de protection.

La simple existence d'une mesure antérieure ne suffit pas ; la preuve de la persistance de l'altération et du besoin d'assistance doit être rapportée au moment de statuer sur une demande de mainlevée.

Cet arrêt souligne l'importance d'une approche individualisée et respectueuse de l'autonomie des majeurs protégés.


Claudia CANINI

Avocat - Droit des majeurs protégés

www.canini-avocat.com


Sources Cour de cassation, Première Chambre civile, Arrêt nº 20 du 15 janvier 2025, Pourvoi nº 22-17.817

Mots clés

  • Mainlevée
  • Curatelle
  • Tutelle 
  • Principe de nécessité
  • Altération des facultés personnelles
  • Besoin d'assistance
  • Juge des tutelles
  • Refus de mainlevée