Le banquier qui ne pouvait pas ignorer que la situation de son client était "anormale" ne saurait lui opposer le principe selon lequel il n'a pas à s'immiscer dans ses affaires.

En droit : la banque est tenue à une obligation de vigilance  et un devoir de conseil envers son client, tant lors de l’ouverture d’un compte bancaire qu’à l’occasion de son fonctionnement.

Certes le banquier est aussi tenu à un devoir de non-ingérence dans la vie vie privée de son client mais cela n’exclut pas son obligation de prudence et de vigilance, lui imposant de relever les anomalies apparentes.

L'anomalie apparente, de quoi s'agit-il ?

L’anomalie apparente est celle qui ne doit pas échapper au banquier vigilant.

Ainsi sont qualifiées d’anomalies apparentes par la jurisprudence celles qui résultent des circonstances dans lesquelles les opérations présentent un montant très élevé par rapport aux revenus habituels du titulaire du compte, un nombre importants de chèques, d’achats par carte bancaire ou de retraits d’espèces inhabituels.

Que disent les juges ?

1./  En cas d’anomalies apparentes affectant la situation du titulaire du compte ou certaines opérations, le banquier est donc tenu de refuser son concours ou à tout le moins, il peut avertir la famille et/ou le procureur de la République du danger encouru par son client manifestement hors d’état de se protéger.

La responsabilité civile du banquier peut alors engagée pour absence de vérification du caractère anormal ou inhabituel des dépenses (Cass. com., 1er juill. 2003).

2./  Ainsi il a pu être jugé que la banque a failli à son obligation de vigilance en ne procédant à aucune diligence ou alerte appropriée en dépit des anomalies apparentes caractérisées en l'espèce par des débits particulièrement importants et répétés sur les comptes d'une cliente âgée, toujours accompagnée par son auxiliaire de vie, des signatures manifestement contrefaites à l'occasion des opérations bancaires réalisées, des chèques débités en période d'interdit bancaire, alors même que l'agence bancaire avait été prévenue par le gestionnaire des comptes de la cliente de l'anormalité de la situation et par le neveu de l'intéressée de la situation d'abus de faiblesse suspectée, du signalement judiciaire et de la mesure de protection juridique prononcée de ce fait.

De plus, la banque ne saurait utilement se prévaloir du fait que la cliente se soit étonnée des "complications " qui lui sont faites dès lors que l'abus de faiblesse se caractérise précisément par l'adhésion de la victime aux faits commis à son préjudice.

Il en résulte que la responsabilité contractuelle de la banque est engagée en raison de la violation de ses obligations de vigilance et de conseil (Cour d'appel de Versailles – 23 mars 2017).

3./  À rapprocher d'une autre affaire  dans laquelle une personne vulnérable a effectué des retraits en espèce de sommes inhabituelles et importantes, près de 100 000 euros en trois semaines au profit d'un individu mis en examen pour abus de faiblesse.

Ces retraits ont mis en péril son patrimoine car ils ont nécessité la réalisation de placements et vente de titres en espèces.

Les juges ont considéré que le banquier qui a commencé à avoir des soupçons lors du troisième retrait et interrogé la cliente sur le bénéficiaire du prêt de ces sommes, avait manqué à son obligation de prudence et de vigilance en se limitant à une mise en garde et en lui remettant les sommes réclamées.

Le banquier même tenu au devoir de non-ingérence et au secret des affaires aurait dû avertir le fils de la cliente (Cour d'appel, PARIS, Chambre 15 section B, 17 Mai 2002).


Claudia CANINI

Avocat à la Cour - Droit des majeurs protégés

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