Un établissement de santé privé est, en vertu du contrat d'hospitalisation le liant à son patient, tenu de prendre les mesures nécessaires pour veiller à sa sécurité, les exigences afférentes à cette obligation de sécurité étant fonction de l'état du patient, et il appartient à la victime ou ses ayants droit de prouver la faute de l'établissement de santé ou de ses préposés (C. civ. art.1231-1, ancien art. 1147 et CSP L1142-1).

Des dispositions similaires s’appliquent aux établissements médico-sociaux et aux EHPAD (C. action sociale et des familles).

L'article 1231-1 du Code civil, anciennement article 1147 du Code civil, sanctionne l'inexécution contractuelle.

Lorsque deux parties sont liées par un contrat, chaque partie s'oblige à respecter ses engagements. En cas d'inexécution de ses obligations, le contractant, sous certaines conditions, peut être sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts au bénéfice de son co-contractant.

Le co-contractant doit rapporter la preuve de son préjudice.

La force majeure exonère le débiteur de l'obligation.

Pour échapper au paiement des dommages et intérêts en cas de préjudice résultant de l'inexécution contractuelle, le débiteur de l'obligation doit rapporter la preuve de la force majeure. La force majeure est un évènement imprévisible, irrésistible et extérieur.

Les répercussions sanitaires du Covid-19 au sein des établissements de soins privés et des EHPAD (en termes de manque de moyens, manque de ressources, manque de personnel) présentent-elles les caractéristiques de la force majeure ? Quel impact sur la responsabilité civile des EHPAD ?

Il appartiendra aux juges d’en décider.

Les faits relatés s’étaient produits avant l’épidémie Covid-19.

Situation où la responsabilité civile de l’établissement de soins a été engagée.

Un patient d’une clinique privée est décédé le 7 juin 2015 des suites de ses blessures après s’être défenestré du premier étage.

Son fils unique et sa veuve ont engagé une action en sa responsabilité contractuelle aux fins d'indemnisation de leurs préjudices moraux respectifs.

Ils reprochaient à l'établissement de soins de ne pas avoir satisfait à son obligation de surveillance, alors que l'état de santé du patient nécessitait des précautions particulières et une surveillance étroite, compte tenu de son agitation et de sa désorientation mais également des risques de fugue mentionnés au compte rendu d'hospitalisation.

Le contrat d'hospitalisation fait naître à la charge de l'établissement de soins une obligation de surveillance et de sécurité, qui s'analyse en une obligation de moyens dont le respect s'apprécie au regard du profil du patient et des éléments dont disposait l'établissement pour évaluer et prévenir la réalisation du risque.

Or, les éléments du dossier révélaient qu’à l'admission du patient dans l’établissement, celui-ci était désorienté, voire agressif, son épouse ayant indiqué que la désorientation était habituelle depuis six mois

La fiche de transmission précisait que l'établissement de soins avait été alerté du risque de fugue, l'état général du patient étant décrit comme suit : "déambule +++ et risque de fugue +++".

Le profil général du patient imposait donc une obligation de surveillance particulière à l'établissement de soins, lequel a décidé de poser dans sa chambre un cale fenêtre.

Cependant, l’examen du dossier médical a permis d’établir que l'épisode d'agitation intense survenu au début de la nuit du drame était incontestablement de nature à alerter le personnel soignant sur le comportement du patient, alors surtout qu'il avait pu être constaté à cette occasion, qu'outre son état d'agitation et d'énervement, l'intéressé avait quitté sa chambre pour déambuler dans les couloirs et qu'il avait manifesté à plusieurs reprises son intention de rentrer chez lui.

La chute qui a été fatale au patient est intervenue une demi-heure après que le personnel soignant qui l'a vu déambuler dans le couloir l'ait raccompagné dans sa chambre, sans autre mesure de surveillance, et ce alors que les chambres vides de l'étage étaient ouvertes et libres d'accès.

La chute est donc la conséquence de l'erreur d'appréciation commise par le personnel de nuit, aucun des éléments du dossier ne permettant de conclure qu'il s'agissait d'un acte suicidaire de l'intéressé, et c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la responsabilité de la clinique était engagée.


Claudia CANINI

Avocat au Barreau de TOULOUSE - Droit des majeurs protégés

www.canini-avocat.com


Sources : Cour d'appel de DIJON, 1ère Ch. civile, 10 décembre 2019