Indépendamment de la crise sanitaire actuelle, une ordonnance n° 2020-232, 11 mars 2020 est venue renforcer la protection de la personne protégée « ainsi que le respect de son autonomie dans la sphère personnelle s'agissant plus particulièrement de ses décisions en lien avec un acte médical ».

La protection de la personne dans le Code civil 

Réformant en profondeur le droit issu de l'ancienne loi du 3 janvier 1968 qui qualifiait les majeurs protégés d"incapables", la loi du 5 mars 2007 a instauré un principe d'autonomie du majeur dans le domaine des décisions touchant à sa personne.

Il s’agit d’une protection de la personne qui produit des effets indépendamment du régime de protection des biens ; il n’y a pas de tutelle à la personne comme il y a une tutelle aux biens, et l’autonomie du majeur prime, sauf décision spéciale du juge des tutelles.

Parce qu’il ne peut y avoir de consentement éclairé sans une information complète et précise, l’article 457‑1 du code civil pose en tête des principes gouvernant la protection de la personne, le droit à l’information de la personne protégée « sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les conséquences d’un refus de sa part ».

Par ailleurs, l’article 458 du code civil écarte l’assistance et la représentation de la personne pour les actes « strictement personnels » et fixe une liste non exhaustive de ces actes parmi lesquels figurent la déclaration de naissance et la reconnaissance d’un enfant, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne de l’enfant, la déclaration du choix ou du changement de nom de l’enfant, le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant ainsi que le consentement à son propre mariage (reconnu par la jurisprudence).

Si l’état de la personne protégée ne lui permet pas de consentir seule, ces actes ne pourront pas être accomplis au nom de celle-ci.

Hors le domaine de ces actes strictement personnels, la personne protégée prend donc seule, en principe, les décisions relatives à sa personne.

En effet, l’article 459 du code civil permet au majeur protégé de prendre seul les décisions relatives à sa personne.

Le juge peut désigner une personne pour l’assister ou le représenter pour les situations dans lesquelles le majeur protégé sera dans l’impossibilité de consentir ou d’exprimer sa volonté. En cas de désaccord entre le majeur et la personne chargée de sa protection, le juge désignera qui, du majeur ou de la personne chargée de la protection, prendra la décision.

En outre, l’autorisation du juge est requise, sauf en cas d’urgence, pour les actes graves, c’est-à-dire ceux qui portent gravement atteinte à l’intimité de la vie privée de la personne protégée.

Rappelons que depuis le 25 mars 2019, l’autorisation du juge a été supprimée pour les actes qui portent gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée (interventions chirurgicales par exemple), l’objectif étant de faciliter l’accès aux soins.

C'est ainsi que depuis 2007 le code civil fait primer l’autonomie du majeur protégé alors que le code de santé publique privilégie plutôt la protection du majeur par le tuteur. La seule limite au pouvoir de décision de ce dernier est la possibilité pour le médecin de délivrer les soins indispensables en cas de refus de soins ou de traitement par le tuteur.

Il était donc nécessaire d'harmoniser les différents codes pour mettre fin aux hésitations des praticiens (médecins, mandataires judiciaires à la protection des majeurs, personnels au sein des EHPAD et établissements de soins, notamment).

Quels sont les apports de l'ordonnance du 11 mars 2020 dans le domaine de la protection de la personne ?

Ce nouveau dispositif permet de coordonner les articles du code de la santé publique qui font référence aux personnes protégées avec les règles du code civil.

Harmonisation du code de la santé avec le code civil

Dans le code de la santé publique, l’ordonnance du 11 mars 2020 précise le rôle de la personne chargée de la protection et le cas échéant du juge des tutelles.

Elle renforce la protection de la personne protégée « ainsi que le respect de son autonomie dans la sphère personnelle s'agissant plus particulièrement de ses décisions en lien avec un acte médical ».

Sont concernées les dispositions relatives :

  • au droit à l'information médicale (art. L. 1111-2, L. 1111-7, L. 1112-1),
  • au consentement aux soins (art. L. 1111-4),
  • aux directives anticipées (art. L. 1111-11),
  • à la création du dossier médical partagé et à l'organisation de l'accès à ce dossier (art. L. 1111-14, L. 1111-15, L. 1111-16),
  • aux biens des personnes accueillies en établissement (art. L. 1113-8).

L’ordonnance distingue selon l’étendue de la protection mise en place : assistance à la personne, pouvoirs limités à la gestion des biens ou étendus à la représentation de la personne.

Les termes de tuteur et de représentant légal, sont remplacés par celui de « personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne ».

L’information directe du majeur protégé

Le droit à l’information du majeur protégé s’impose à la personne qui exerce la mesure de protection juridique.

Ce droit fondamental pour tout acte relatif à la personne du majeur protégé est rappelé dans à l’article 457-1 du Code civil :

  • « La personne protégée reçoit de la personne chargée de sa protection, selon des modalités adaptées à son état et sans préjudice des informations que les tiers sont tenus de lui dispenser en vertu de la loi, toutes informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d'urgence, leurs effets et les conséquences d'un refus de sa part ».

L'ordonnance du 11 mars 2020 pose sur le plan médical,  le principe de l’information directement délivrée au majeur protégé, cette information devant être adaptée à sa capacité de compréhension, étant précisé que la personne chargée de sa représentation en est également destinataire.

Lorsque seule une mesure d’assistance est mise en place, (telle que la curatelle) et non de représentation (telle que la tutelle), la personne chargée de cette assistance est informée mais uniquement si la personne protégée a donné son accord exprès.

Primauté du consentement du majeur pour les décisions relatives à sa santé

Pour les décisions de santé, à chaque fois que le majeur protégé est apte à exprimer sa volonté, son consentement prévaut, au besoin avec l’assistance de la personne chargée de le représenter. 

Lorsque le majeur protégé n’est pas en mesure d’exprimer son consentement, la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne donne son autorisation en tenant compte de l’avis exprimé par la personne protégée :

 « les professionnels de santé doivent ainsi veiller à adapter l'information délivrée au majeur à ses facultés de compréhension et de consentement, de façon qu'il puisse consentir de façon personnelle s'il est en état de le faire ».

Soulignons enfin que certains domaines tels que la recherche médicale, les essais thérapeutiques ainsi que les soins psychiatriques sans consentement où le consentement émanant de la personne chargée de représenter le majeur protégé est requis.


Claudia CANINI

Avocat au Barreau de TOULOUSE - Droit des majeurs protégés

www.canini-avocat.com


Sources :

Ord. n° 2020-232, 11 mars 2020, JO : 12 mars

 Rapport, JO : 12 mars 2020