Parmi les principes directeurs qui orientent la décision du juge des tutelles, le premier concerne la nécessité médicalement constatée d'une mesure de protection.

Le certificat médical circonstancié doit dire quelle est l'atténuation des facultés mentales et si le majeur peut être entendu.

Ce certificat est une garantie contre d'éventuels abus de mise sous protection.

Or en pratique, certaines personnes visées par une procédure d’ouverture de protection juridique déplorent les conditions dans lesquelles les certificats sont établis, sans rendez-vous, par surprise, après une rapide discussion sur le pas de la porte… voire sur pièces et donc sans rencontrer le majeur protégé.

La Cour d’appel de GRENOBLE rappelle que la rédaction de certificats médicaux sur pièces susceptibles d'induire en erreur les magistrats dans le cadre décision portant de lourdes conséquences en termes de libertés individuelles peuvent être qualifiés de « grave de manquement à la mission d'expert ».

  • Sur l'établissement de certificats médicaux sur pièces sans renconter le majeur à protéger

Dans cette affaire, l'instruction effectuée par le Procureur Général a révélé l'existence d'un certain nombre de certificats médicaux établis par le docteur X. en application de l'article 431 du code civil " sur pièces " donc sans rencontrer les majeurs devant faire l'objet d'une éventuelle mesure de protection, alors que les exigences formulées par la Cour de Cassation dans son arrêt en date du 20 avril 2017 n'étaient pas respectées, celle-ci ayant précisé dans un attendu de principe qu'" au sens de ce texte, le certificat médical circonstancié peut être établi sur pièces médicales en cas de carence de l'intéressé ".

Madame X. a reconnu avoir agi en établissant des certificats sur pièce sans constater la carence de l'intéressé, à une douzaine de reprises à la fin de l'année 2018, se revendiquant d'une charge de travail importante en raison du remplacement d'un confrère empêché et de son ignorance des exigences légales, ce qui n'est pas recevable puisqu'en sa qualité d'expert ou de médecin inscrite sur les listes établis par les différents parquets du ressort pour examiner les majeurs devant faire l'objet d'une mesure de protection, il lui appartenait de se tenir strictement informée des exigences légales ou jurisprudentielles à respecter dans l'exercice de sa mission.

En l'espèce, les juges ont relevé que ces dispositions qui ont été rappelées par la Cour de Cassation s'imposent depuis la mise en application de la loi de réforme du 5 mars 2007, soit bien antérieurement à la date de rédaction des certificats médicaux litigieux.

En conséquence le manquement à la mission d'expert apparaît caractérisé.

  • Sur la sanction disciplinaire

Les manquements à la probité, aux lois et règlements relatifs à la profession de médecin et à la mission de l'expert qui ont été relevés par le Procureur Général sont retenus par la Cour.

Ils constituent une violation des dispositions de l'article 6-2 de la loi du 29 juin 1971 qui précisent que toute contravention aux lois et règlements relatifs à la profession ou à la mission d'expert, tout manquement à la probité ou à l'honneur même se rapportant à des faits étrangers aux missions qui lui sont confiées exposent l'expert qui en serait l'auteur à des poursuites disciplinaires ou une violation des dispositions des articles R 4127-2 et R 4127-7 du code de déontologie intégré au code de la santé publique qui imposent au médecin d'exercer sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité ou précisent qu'il ne doit jamais se départir d'une attitude correcte et attentive envers la personne examinée.

Le manquement à la probité et les manquements à sa mission d'expert relèvent d'une extrême gravité puisqu'en rédigeant des certificats médicaux sans rencontrer les majeurs qui devaient éventuellement faire l'objet d'une mesure de protection et en formulant sur leur état de santé des conclusions qui pouvaient être en contradiction avec cet état, le médecin expert pouvait induire la prise d'une mesure de protection attentatoire aux libertés individuelles, non justifiée.

La Cour d'appe a ainsi jugé que les manquements aux lois et règlements relatifs à la profession de médecin qui révèlent chez le médecin un manque de délicatesse, de courtoisie et d'empathie évident à l'égard de personnes fragiles et de leur famille en souffrance ne peut en aucun cas être justifié.


Claudia CANINI

Avocat à la Cour - Droit des majeurs protégés

www.canini-avocat.com


Sources : CA Grenoble, 05-06-2020, n° 20/00415