Saisie pour avis, la première chambre civile de la Cour de cassation, a précisé les conditions dans lesquelles le juge des contentieux de la protection peut autoriser la personne habilitée à procéder à une donation malgré l'impossibilité de caractériser l'intention libérale de la personne protégée.

Qu’est-ce qu’une habilitation familiale ?

L'habilitation familiale permet à un proche (parent, enfant, grand-parent, frère, sœur, époux(se), concubin(e), partenaire de Pacs) de représenter une personne.

Cette habilitation est donnée par le juge lorsque la personne est dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté.

L'habilitation permet donc à celui qui représente la personne d'agir en son nom.

Est-il possible de procéder à une donation en cas d’habilitation familiale ?

La réponse est oui mais à condition d’obtenir l’accord du juge des tutelles.

En effet, la personne habilitée ne peut accomplir en représentation un acte de disposition à titre gratuit qu'avec l'autorisation du juge des tutelles. (C. civ. art. 494-6 alinéa 4).

Qu’en est-il lorsque la personne protégée n’est pas en capacité d’exprimer sa volonté ?

" L'absence de caractérisation d'une intention libérale, présente ou passée, de la personne protégée, fait-elle nécessairement obstacle à la possibilité, pour le juge des contentieux de la protection, d'autoriser la personne habilitée à la représenter de manière générale pour l'ensemble des actes à procéder à une donation ? "

Avis rendu par la première chambre de la Cour de cassation :

" Dans le but de mieux respecter la volonté de la personne placée sous un système de protection nécessitant en principe sa représentation, le législateur a ainsi reconnu une certaine liberté de disposer à titre gratuit de ses biens entre vifs, comme elle dispose d'une certaine liberté de disposer de ses biens à cause de mort.

Il l'a cependant placée sous le contrôle du juge, qui doit autoriser la libéralité.

La loi n'exclut pas le cas où la personne protégée représentée est hors d'état de manifester sa volonté.

De plus, interdire toute donation dans cette hypothèse aboutirait à geler le patrimoine de la personne jusqu'à son décès et pourrait, en constituant un frein aux solidarités familiales, s'avérer contraire à ses intérêts.

A l'inverse, permettre son autorisation sans restriction reviendrait à nier le caractère personnel de la donation.

Conclusion

Lorsqu'une personne protégée faisant l'objet d'une mesure d'habilitation familiale est hors d'état de manifester sa volonté, le juge des contentieux de la protection ne peut autoriser la personne habilitée à accomplir en représentation une donation qu'après s'être assuré, d'abord, au vu de l'ensemble des circonstances, passées comme présentes, entourant un tel acte, que, dans son objet comme dans sa destination, la donation correspond à ce qu'aurait voulu la personne protégée si elle avait été capable d'y consentir elle-même, ensuite, que cette libéralité est conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux, en particulier que sont préservés les moyens lui permettant de maintenir son niveau de vie et de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité."


Claudia CANINI

Avocat à la Cour

www.canini-avocat.com 

Sources : Cour de cassation, Avis du 15 décembre 2021 n° 15024 B