CONTEXTE ET FAITS
Le contexte nous plonge dans la France de l'occupation et du régime de Vichy. Le gouvernement met en place dès octobre 1940 un système d'organisation propre à chaque profession. Soit, d'une part, les Comités d'organisation des professions qui n'ont pas survécu à la Libération. Et, d'autre part, les Ordres professionnels qui perdurent jusqu'à nos jours. Ce qui est le cas des architectes, des experts-comptables et des médecins, profession qui concerne la jurisprudence en question. En 1945, l'Ordre des médecins sera conservé quasiment à l'identique de ce qui fut institué à l'origine (Journal Officiel du 26 novembre 1940).
Il est prévu que les Ordres exercent un pouvoir de réglementation et de contrôle sur la profession. Le Docteur Bouguen est en conflit avec son Ordre à propos d'une question de cabinet secondaire ouvert dans une autre commune que son cabinet principal d'installation. L'Ordre des médecins ordonne la fermeture de ce second cabinet. Un litige s'en suit.
Les Ordres professionnels ont la particularité de relever de la juridiction administrative si le lititge qui leur est soumis ne trouve pas à être résolu en leur sein. Au final, la juridiction supérieure dont ils relèvent est le Conseil d'Etat.
PROBLEME POSE
Cette solution de relever de la compétence du juge administratif est justement la question qui s'est posée au Conseil d'Etat en 1943. Comme dans d'autres cas (voir par exemple Conseil d'Etat 13 mai 1938 Caisse Primaire "Aide et Protection" ) à une question simple, il est renvoyé à une problématique plus complexe qui touche à la nature même des ordres professionnels.
SOLUTION DE LA JURIDICTION
Le Conseil d'Etat se prononce donc sur la nature du Conseil de l'Ordre des Médecins. Et indique qu'il ne s'agit pas d'un établissement public mais qu'il "concourt au fonctionnement d'un service public".
Sur le fond, la décision du Conseil de l'Ordre fut annulée car elle manquait de base légale. Il est reproché à l'Ordre des médecins ne pas avoir cherché à connaître s'il était lui-même compétent pour prononcer la fermeture d'un cabinet médical.
UTILITE DE LA DECISION
En cette espèce encore, le juge ne prend pas ouvertement partie sur, la nature juridique de l'Ordre des médecins en particulier, et, des ordres professionnels en général. Il se contente d'indiquer qu'ils disposent de prérogatives de puissance publique qui est un critère lui permettant de considérer qu'ils peuvent gérer un service public.
La juridiction ne va pas plus loin et reste ambiguë. En ces circonstances, c'est la doctrine qui éclaircit la situation en rattachant cet organisme (et cette jurisprudence) à la catégorie des organismes privés gérant un service public.
Ainsi, "l'arrêt Bouguen" se lit avec l'arrêt Monpeurt (Conseil d'Etat, Assemblée, 31 juillet 1942 Monpeurt ) dont il constitue la confirmation du raisonnement quelque peu elliptique.
Avec le temps, la question a été résolue et les Ordres professionnels sont bien des personnes privées dotées de certaines prérogatives qui les font échapper, dans certaines missions, au droit commun. Pour ces structures, cet arrêt demeure fondateur.
Catégorie : Organismes privés gérant une mission de service public
Bibliographie particulière sur les Ordres professionnels : "l'Héritage de Vichy" de Cécile Desprairies - 2012 - Armand Colin - P 150.
(11-EL-JP ROY)
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