La disproportion est un moyen souvent invoqué (avec plus ou moins de succès) par les cautions pour se voir décharger du cautionnement.

L'article L 332-1 du Code de la consommation dispose ainsi :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

La loi est donc claire ; si le patrimoine et les revenus de la caution, au jour où elle s'engage, paraissent manifestement insuffisants par rapport au montant maximal du cautionnement, le créancier ne peut se prévaloir dudit cautionnement (qui lui est donc inopposable) sauf si la caution peut effectivement payer la dette au jour où le cautionnement est actionné.

Ce qui est plus délicat, c'est l'appréciation du caractère manifestement disproportionné de l'engagement par rapport au biens et revenus.

En effet, il s'agit pour une part importante d'une appréciation subjective du Juge en fonction des éléments qui lui sont soumis.

Cette subjectivité est évidemment source d'un abondant contentieux quant à l'appréciation de la disproportion, ce qui permet à la Cour de cassation de proposer des clés de lecture des dispositions susvisées.

Ainsi, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé, le 24 mai 2018 :

« Attendu que pour condamner M. X... à payer à la société Heineken entreprise la somme de 36 402,46 euros, outre intérêts, l’arrêt retient que, même si son engagement de caution représente deux années et demi de revenus professionnels, il n’est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus, au sens des dispositions de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dès lors que son épouse, séparée de biens, perçoit un revenu fixe et est propriétaire d’un bien immobilier, ce qui lui permet de contribuer dans de larges proportions à la subsistance de la famille et d’assurer son logement ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle ne pouvait déduire que l’engagement de la caution était proportionné à ses biens et revenus du fait que son conjoint séparé de biens était en mesure de contribuer de manière substantielle aux charges de la vie courante, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

(Com. 24 mai 2018, pourvoi n°16-23036)

En substance, la Cour d'appel d'Aix-en-provence avait tenu compte des revenus et des biens de l'épouse de la caution pour apprécier la disproportion du cautionnement.

La Cour a ainsi considéré que l'épouse, percevant un revenu fixe et propriétaire d'un bien immobilier, pouvait largement contribuer au charges de la famille et en assurer le logement.

La Cour avait pourtant relevé que le montant maximal du cautionnement représentait 2,5 années de revenus de la caution, et qu'il n'était pas propriétaire immobilier ; l'engagement paraît donc, en ne tenant compte que de la situation de la caution, manifestement disproportionné.

Or, la caution était mariée sous le régime de la séparation de biens, ce qui était indiqué sur la fiche patrimoniale renseignée au moment de l'engagement.

C'est précisément pour cette raison que la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel.

Les biens et revenus de l'époux séparé de biens n'ont pas à être pris en compte pour apprécier le caractère proportionné ou non d'un cautionnement souscrit par l'autre époux.

La solution est classique (et généralement appliquée par les juges du fond) mais méritait manifestement un rappel qu'il convient d'approuver.