La liquidation judiciaire de la société ayant vendu un bien ou une prestation de service financé par un crédit affecté n'empêche pas l'acquéreur / emprunteur de demander l'annulation du contrat de vente et du crédit affecté.
L'article L 312-55 ( L 311-32 ancien) du code de la consommation dispose :
« En cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne seront applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.».
Cet article trouve à s'appliquer avec une particulière utilité en matière de crédit affecté au financement d'un bien ou d'un service.
Il en est notamment ainsi en cas de vente « hors établissement » (par exemple en cas de démarchage à domicile) où des vendeurs ne respectent pas scrupuleusement les règles régissant cette forme de vente.
Il en est également ainsi en matière par exemple de vente d'installation photovoltaïque (lien).
Si le principe est relativement simple à appliquer, les choses peuvent grandement se compliquer en certaines circonstances.
Par exemple, il était permis de douter de la possibilité de se prévaloir des dispositions de l'article L 312-55 du code de la consommation en cas d'ouverture d'une liquidation judiciaire à l'égard du vendeur.
En effet, l'article L 622-21 I du code de commerce prévoit que « le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. ».
La Cour d'appel de Paris a ainsi considéré qu'à défaut d'une déclaration de créance au passif du vendeur en liquidation judiciaire, les acquéreurs-emprunteurs étaient irrecevables à agir contre le liquidateur judiciaire et contre la banque ayant consenti le crédit affecté.
La Cour d'appel a en effet considéré que la demande tendant à voir annuler le contrat de vente affecterait nécessairement le passif de la liquidation.
La Cour de cassation ne partage pas cet avis et casse l'arrêt de la Cour d'appel de Paris :
« En statuant ainsi, alors que les emprunteurs fondaient leur demande d'annulation du contrat de vente sur la violation de l'article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, ainsi que sur l'existence d'un dol, et leur demande subsidiaire de résolution sur l'inexécution de prestations, sans demander de condamnation du vendeur au paiement d'une somme d'argent ni invoquer le défaut de paiement d'une telle somme, de sorte que, peu important le sort de l'éventuelle créance de restitution du prix de vente dans la procédure collective du vendeur, les demandes litigieuses ne se heurtaient pas à l'interdiction des poursuites, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
(Cass. Com. 3 février 2021, pourvoi n°19-13434)
L'action en annulation ou en résolution du contrat de vente est donc possible contre une société placée en liquidation judiciaire (et donc également contre la banque ayant consenti le crédit affecté) dès lors que qu'il n'est pas demandé la condamnation du vendeur au paiement d'une somme d'argent ou qu'il n'est pas invoqué le défaut de paiement d'une somme d'argent.
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