L'article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose :

« Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire. ».

Un créancier peut, au visa de cet article, solliciter auprès du Juge de l’exécution l’autorisation d’effectuer une saisie conservatoire ou de prendre une sureté judiciaire pour garantir le recouvrement de sa créance.

Par hypothèse, le créancier ne dispose pas à ce stade d’un titre exécutoire, comme un jugement ou un acte authentique revêtu de la mention exécutoire, et c’est la raison pour laquelle il ne peut pas engager une mesure d’exécution forcée.

Le but de la mesure conservatoire est ainsi de prendre une forme de « garantie » sur les biens du débiteur en attendant d’obtenir le titre qui permettra l’exécution proprement dite.

Ceci étant précisé, l’article L 511-1 prévoit que l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire soit subordonnée à la double condition que le créancier apporte la preuve qu’il détient une créance fondée en son principe et que des circonstances particulières seraient de nature à en menacer le recouvrement, une fois le titre exécutoire obtenu.

 C’est sur la première de ces conditions (soit le caractère fondé de la créance) que la Cour de cassation s’est récemment prononcée.

En l’espèce, un établissement bancaire avait sollicité auprès du Juge de l’exécution près le Tribunal de grande instance d’Angoulême l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire à l’encontre d’une débitrice et au titre d’un acte de cautionnement.

Informée après coup (car la demande d’autorisation de la mesure conservatoire est présentée sur requête sans que le débiteur en soit informé) de l’autorisation donnée par le Juge de l’exécution, celle-ci va solliciter la mainlevée de la mesure arguant du caractère manifestement disproportionné du cautionnement fondant la créance.

Il s’agit d’une contestation régulièrement soulevée par la caution en matière de cautionnement et qui fait l’objet d’une abondante jurisprudence.

(Pour s’en convaincre, voir les articles publiés ici ,ici, ici ou ).

Le Juge de l’exécution saisi de cette demande de mainlevée a débouté la caution de sa demande.

La Cour d’appel de Bordeaux a confirmé ce jugement en arguant qu’« il était acquis que Mme Q... avait souscrit au profit du Crédit Lyonnais un engagement de caution et qu'il ne relevait pas de la compétence du juge de l'exécution d'apprécier le caractère disproportionné d'un tel engagement, une telle question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond ».

La Cour de cassation, saisie par la débitrice, casse cet arrêt par décision du 14 janvier 2021 :

« Vu les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution :

5. Il résulte du premier de ces textes que le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, et que, dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.

 6. Il résulte du second de ces textes que toute personne justifiant d'une créance paraissant fondée dans son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement peut solliciter l'autorisation du juge de l'exécution de pratiquer une saisie conservatoire.

7. Pour débouter Mme Q... de sa demande tendant à voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire, l'arrêt retient qu'il n'est pas de la compétence du juge de l'exécution, saisi d'une demande de saisie conservatoire sur le fondement de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution, d'apprécier le caractère disproportionné de l'engagement de caution invoqué par la débitrice, cette question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond.

8. En statuant ainsi, alors qu'il incombait au juge de l'exécution, qui, en matière de saisie conservatoire, doit rechercher si la créance, dont le recouvrement est poursuivi, paraît fondée en son principe, d'examiner la contestation relative au caractère disproportionné d'un engagement de caution, qui était de nature à remettre en question l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe, la cour d'appel qui, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, a méconnu l'étendue de ces derniers, a violé les textes susvisés ».

(Cass. Civ. 2ème, 14 janvier 2021, pourvoi n°19-18844)

En d’autres termes, le Juge de l’exécution est compétent pour apprécier le caractère manifestement disproportionné d’un cautionnement s’il est saisi d’une demande de mainlevée d’une saisie conservatoire.

La disproportion d’un engagement de caution ayant pour effet de déchoir le créancier du bénéfice de sa sûreté, et donc d’affecter le bien-fondé de la créance en résultant, cette décision mérite d’être approuvée.