Je reçois de temps en temps des appels téléphoniques de clients potentiels qui, sans même prendre le temps de se présenter, me demandent de but en blanc le tarif d'un divorce, d'une modification de pension alimentaire, ou de toute autre procédure qui les préoccupe.

Sans doute le droit est il devenu un bien de consommation comme les autres ; la publicité sera alors autorisée, comme aux Etats-Unis, et on verra bientôt de grands panneaux publicitaires du genre : « Avec Maître X, la relaxe est assurée grâce à un taux amélioré d'arguments pertinents - libéré ou remboursé - achetez deux audiences correctionnelles, la troisième vous est offerte en prime- le divorce dure moins longtemps avec Maître CALGON (publicité gratuite) etc.

Doit-on en conclure que les avocats ne sont plus choisis sur leurs compétences et leur expérience, mais sur le prix affiché sur leur site Internet ?

Au vu des tarifs dérisoires pratiqués par certains de nos confrères, on peut se demander quel avocat sérieux peut travailler à un taux horaire inférieur à celui d'un manoeuvre non qualifié ?

Cette question me remémore une anecdote vécue il y a quelques années : une cliente avait pris rendez-vous pour engager « très rapidement » un divorce par consentement mutuel, et à l'annonce du forfait que je lui proposais, m'a indiqué qu'elle allait réfléchir, et qu'elle me rappellerait.

Je n'ai naturellement reçu aucun autre appel de sa part.

Un peu plus de six mois plus tard, je me trouve au palais de justice de Nanterre, dans la salle d'attente du juge aux affaires familiales, avec un couple de clients qui vont passer en requête réitérée.

À l'appel de notre affaire, je précède mes clients dans le couloir menant au cabinet du juge, et croise celle qui devait me rappeler après avoir réfléchi.

J'en déduis qu'elle a trouvé un avocat plus économique, et qu'elle passe également en requête réitérée, ce que je lui dis ; elle me répond d'un air embarrassé que ce n'est que la présentation de la requête initiale.

J'oublie cet incident jusqu'à l'année suivante, où la même cliente reprend rendez-vous à mon cabinet, m'expose que le divorce a bien été prononcé, que son avocat était effectivement bon marché, mais qu'elle en a eu pour son argent, au sens défavorable de l'expression.

Mon honorable confrère, sans doute peu motivé par la modicité de ses honoraires, il est vrai inférieurs de moitié au montant que j'avais proposé pour cette procédure, a purement et simplement complété du nom de ses clients une trame que l'on pourrait qualifier de « bateau ».

Il omettait cependant de se préoccuper de préciser un certain nombre de points, qui dans leur silence ne permettaient à aucun des ex - époux, au moment où leurs relations se rafraîchissaient en raison de l'apparition de nouveaux conjoints, de se départager sur les modalités effectives de l'exercice des droits de visite et d'hébergement sur les enfants, pour ne citer que les points les plus importants.

Moralité : une nouvelle procédure de saisine du juge aux affaires familiales a été nécessaire à fin de faire énoncer de manière précise les dispositions restées dans le flou.

Cette cliente, qui voulait économiser sur les frais de la première procédure, a finalement payé seule le montant de la seconde procédure.

Si vous me permettez cette réflexion, ce fut une économie fort coûteuse.

Des exemples comparables sont légions, dans tous les domaines de la consommation, qu'il s'agisse de la restauration ou de l'hôtellerie, pour ne citer que ceux-là : si l'on ne veut pas dépenser, il ne faut pas s'attendre à des miracles.

Comme le dit l'un de mes clients, artisan de son état, « il est difficile d'aboutir à un résultat satisfaisant si on n'investit pas du temps, du travail et en utilisant des produits de qualité ».

Pour ma part, quand je consulte un médecin, sa compétence et l'attention qu'il portera à mon cas supplante toute considération de coût.

Enfin, la publicité n'étant pas encore à l'ordre du jour pour les avocats, seul le bouche-à-oreille nous permettant le renouvellement ou l'accroissement de notre clientèle, j'en viens à me dire que la faveur dont je bénéficie auprès de mes clients, pour certains depuis de nombreuses années, est la démonstration de ce que j'applique le juste tarif.