La résidence alternée est un sujet récurrent car source d'inquiétude ou d'espoir des parents, dans la procédure visant à fixer la résidence des enfants mineurs et les droits de visite et d'hébergement de l'autre parent, soit dans le cadre d'une procédure de divorce, soit par la suite, ou bien encore dans le cas de la séparation de parents non mariés.

 

Depuis bientôt vingt cinq ans, j'entends des mères redouter d'être séparées de leurs enfants, et des pères revendiquer leur droit à avoir avec eux les enfants, et à tout le moins à obtenir une résidence alternée, estimant à tort ou à raison qu'ils sont tout aussi capables que la mère d‘assumer l'éducation et l'entretien de leurs enfants mineurs.

Il est vrai que l'évolution de la société a vu les hommes, cantonnés auparavant à un rôle plus que limité dans l'éducation des enfants, surtout en bas âge, évoluer vers plus de proximité avec leurs enfants, les manifestations de tendresse n'étant heureusement plus considérées comme des manifestations de faiblesse, et le fait de changer une couche ou de donner le biberon n'étant plus assimilé à un manque de virilité.

 

Il n'en demeure pas moins que la fixation d'une résidence alternée, hors accord explicite des parents, qui ne nécessite alors pas recours à un contentieux, reste très limitée, sinon exceptionnelle.

C'est du moins ce que j'écrivais il y a quelques années, en tenant compte tant de la législation alors en vigueur que de la jurisprudence.

 

En effet, le principe alors fixé par la loi et la jurisprudence constante, tant des tribunaux que des cours d'appel et de la Cour de Cassation, était qu'il ne peut y avoir de résidence alternée en cas de conflit entre les parents, et tout spécialement lorsque l'un ou les deux parents ont des propos sur l'autre ou des comportements qui excluent l'existence d'un respect mutuel, respect nécessaire à une communication tournée vers l'intérêt de l'enfant, critère supérieur et essentiel s'il en est.

 

Depuis, les praticiens n'ont pu que constater le retournement complet de la pratique suivie en la matière.

La résidence alternée, si elle n'est toujours pas de droit, est devenue le principe fixé tant par le texte que par la jurisprudence, et n'est écartée que lorsque le père n'est pas demandeur, ou que de véritables obstacles  s'opposent à sa mise en place.

 

Ce qui n'a pas changé

L'intérêt supérieur de l'enfant étant le critère déterminant de la décision du magistrat, ce dernier devra utiliser tous les moyens mis à sa disposition par la procédure afin d'avoir suffisamment de renseignements et par conséquent prendre une décision éclairée.

 

À ce titre, le magistrat pourra tenir compte des éléments qui lui sont fournis par les parents, de part et d'autre de la barre.

 

Dans la mesure où ces renseignements sont nécessairement orientés en fonction de l'intérêt de celui ou celle qui les fournit, le magistrat sera fréquemment amené à obtenir des renseignements par d'autres moyens, que l'on peut espérer moins partiaux.

 

Le magistrat pourra alors ordonner une enquête sociale, destinée à le renseigner sur les conditions matérielles et morales de la vie des enfants chez leurs parents respectifs et dans leur entourage, mais également une enquête médico psychologique s'il a été alerté de lui-même ou par les déclarations des parties de la possibilité de troubles médicaux ou psychologiques de l'un ou l'autre des parents pouvant avoir des répercussions néfastes sur les enfants.

 

Le magistrat pourra enfin entendre lui-même les enfants, ou en déléguer la charge.

En effet, contrairement à une idée reçue, les enfants n'ont pas à attendre d'avoir 15 ans afin d'être entendus par le juge.

 

Art. 338-1 du Code de procédure civile.-« Le mineur capable de discernement est informé par le ou les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale, le tuteur ou, le cas échéant, par la personne ou le service à qui il a été confié de son droit à être entendu et à être assisté d'un avocat dans toutes les procédures le concernant. »

338-2 CPC :"La demande d'audition est présentée sans forme au juge par le mineur lui-même ou par les parties. Elle peut l'être en tout état de la procédure et même pour la première fois en cause d'appel."

338-4 CPC:"Lorsque la demande est formée par le mineur, le refus d'audition ne peut être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne pas.  Lorsque la demande est formée par les parties, l'audition peut également être refusée si le juge ne l'estime pas nécessaire à la solution du litige ou si elle lui paraît contraire à l'intérêt de l'enfant mineur.  Le mineur et les parties sont avisés du refus par tout moyen. Dans tous les cas, les motifs du refus sont mentionnés dans la décision au fond."

Art. 338-9 « Lorsque le juge estime que l'intérêt de l'enfant le commande, il désigne pour procéder à son audition une personne qui ne doit entretenir de liens ni avec le mineur ni avec une partie. "Cette personne doit exercer ou avoir exercé une activité dans le domaine social, psychologique ou médico-psychologique. »

 

Le critère déterminant n'est donc pas l'âge de l'enfant, mais bien ses facultés de discernement, qui seront appréciées au cas par cas.

 

Encore doit-on prendre en considération la difficulté pour un enfant, quel que soit son âge, de se prononcer clairement : rester chez maman, aller chez papa, ou faire la navette entre les deux.

 

Outre qu'il ne le sait pas forcément lui-même, il se trouve souvent en situation de conflit de loyauté, ou plus souvent encore doit affronter le bourrage de crâne de l'un des parents, voir des menaces plus ou moins explicites.

 

Dans la mesure du possible, le magistrat tentera de faire en sorte que la parole de l'enfant soit libre et n'exprime que ses sentiments réels.

L'un des moyens utilisés pour cela consiste en la désignation d'un avocat spécialement formé à cet effet, qui sera donc l'avocat de l'enfant et non de l'un de ses parents, sans que la question de son financement ne soit un problème, en raison de sa prise en charge au titre de l'aide juridictionnelle totale.