La définition de la mesure d'ordre intérieur est cruciale en droit de la fonction publique car elle détermine si la décision de l'administration pourra ou non faire l'objet d'un recours par le fonctionaire ou l'agent.
En effet, si la décision de l'administration constitue une simple mesure d'ordre intérieur, alors, l'agent n'aura pas accès au prétoire, tout recours serait irrecevable, le juge administratif considérant alors que la mesure ne fait pas grief au requérant.
Au regard de l'importance de la notion de mesure d'ordre intérieur en droit de la fonction publique, le juge administratif a attaché un soin particulier à la définir.
Dans une décision Mme. B., rendue par la Section du Contentieux et publiée au Recueil Lebon au regard de son importance, le Conseil d’Etat a dit pour droit que :
« 3. Considérant que les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours ; qu'il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération ; que le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable ;" (Conseil d'État, Section, 25 septembre 2015, n° 372624, Recueil Lebon).
Dans une formulation différente, mais allant dans le même sens, le juge des référés du tribunal administraif de Grenoble a estimé que :
"Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux. En conséquence, le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable" (TA Grenoble, ord., 17 décembre 2018, n° 1807518).
Il en résulte qu’une décision portant atteinte aux droits et prérogatives d’un agent qu’il tient de son statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ou emporte perte de responsabilités ou de rémunération fait grief. Il en va de même si cette décision traduit une discrimination.
Ainsi, à titre d'exemples, constituent des décisions faisant grief et non de se simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours :
- un changement d'affectation de l'agent se traduisant par une modification de son positionnement hiérarchique et une diminution sensible des responsabilités qui lui avaient été confiées. (Conseil d'État, Section, 25 septembre 2015, n° 372624, Recueil Lebon),
- la mutation d'office d'un poste de directeur vers un poste nouvellement crée de de chargé de mission (Conseil d’Etat, 6 avril. 2007, CCAS de Chaville, req. n° 286727: Lebon T. 927 ; AJDA 2007. 829),
- la perte des fonctions d'encadrement et de tout pouvoir décisionnel dévolu à l'agent muté (TA Grenoble, ord., 17 décembre 2018, n° 1807518),
- une perte de responsabilité que le juge détermine en regardant les moyens humains et financiers alloués respectivement aux deux postes (CAA Marseille , 30 janvier 2018, n° 16MA04395).
Fort de cet état du droit, la cour administrative d'appel de Versailles a été récemment amenée à devoir juger de la recevabilité du recours formé par un agent subissant une modification de son positionnement hiérarchique et une diminution sensible de ses responsabilités confiées.
La Cour, tout en constatant que les fonctions nouvellement attribuées étaient au nombre de celles qui pouvaient être confiées à un ingérieur territorial a toutefois considéré que la décision de mutation d'office n'était pas une simple mesure d'ordre intérieur pour les raisons suivantes :
" 4. Il ressort des pièces du dossier que le changement d'affectation de M. C... s'est traduit par une modification de son positionnement hiérarchique et une diminution sensible des responsabilités qui lui ont été confiées. A cet égard, s'il est vrai que les fonctions d'" administrateur système missionné sur le déploiement des réseaux à très haut débit numérique " font partie de celles qui peuvent être confiées à un ingénieur territorial, il ressort des pièces du dossier que ces fonctions comportent des responsabilités moins importantes que celles de directeur des systèmes d'information, dès lors que l'intéressé, qui dirigeait auparavant l'ensemble des services informatiques de la commune, a été affecté dans l'un de ces services, à savoir le service exploitation et assistance. Par suite, la décision du 2 février 2015 constitue non une simple mesure d'ordre intérieur mais une décision qui fait grief à M. C..., lequel était bien recevable à en demander l'annulation" (CAA Versailles, 7 novembre 2019, M. C. / Commune de Genevilliers, n° 17VE01344).
Ainsi, il appartient à l'agent qui subit une mutation et qui entend la contester de s'assurer au préalable de la recevabilité de son recours en déterminant si celle-ci constitue ou non une décision faisant grief.
Une fois cette première étape franchie, il lui appartiendra de démontrer l'illégalité de la décision qu'il conteste. En effet, la recevabilité du recours quand bien même l'agent voit sa rémunération et ses responsabilités diminuer ne préjuge pas de l'illégalité de l'acte administratif.
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