Dans un jugement récent, le tribunal administratif a reconnu fondé le moyen tiré d'une violation du principe d'impartialité par le maire de la commune de Courmelles (02).

 

Ce jugement est intéressant (la juridiction a entendu le classer en C+ pour marquer son importance) en ce que le principe d'impartialité est peu souvent reconnu par les juridictions administratives.

Ce principe garantit aux administrés que toute autorité administrative, individuelle ou collégiale, traite leurs affaires sans préjugés ni partis pris. Ce principe doit être respecté durant l’intégralité de la procédure d’instruction et de délivrance d’un permis de construire et s’impose à toute autorité administrative, notamment aux membres de ces autorités, qui doivent s’abstenir de toute prise de position publique de nature à compromettre le respect de ce principe.

De plus, alors même qu'il s'inspire de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme qui s'intéresse aux seules communes dotées d'un PLU ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, le Conseil d'Etat a retenu qu'il s'appliquait aussi aux permis délivrés au nom de l'État et constituait donc un principe général du droit applicable même sans texte (Conseil d'Etat, 22 février 2008, Assoc. Air Pur Environnement d'Hermeville et ses environs, n° 291372).

 

Pour retenir caractérisé le défaut d'impartialité du maire de la commune de Courmelles, la juridiction a recherché par un faisceau d'indices, le comportement du maire vis-vis du projet qu'il a refusé par arrêté. Cette analyse a porté sur ses déclarations faîtes avant d'être élu puis durant l'instruction de la demande de permis de construire. Enfin, le fait d'avoir sollicité le concours d'un avocat pour obtenir un devis en cas de refus d'accorder cette demande et le coût pour défendre cet arrêté ont aussi constitué des éléments retenus pour établir le défaut d'impartialité :

"En ce qui concerne la légalité externe de l’arrêté du 1er mars 2021 :

7. En second lieu, le principe d’impartialité, qui garantit aux administrés que toute autorité administrative, individuelle ou collégiale, traite leurs affaires sans préjugés ni partis pris, doit être respecté durant l’intégralité de la procédure d’instruction et de délivrance d’un permis de construire et s’impose à toute autorité administrative, notamment aux membres de ces autorités, qui doivent s’abstenir de toute prise de position publique de nature à compromettre le respect de ce principe.


8. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Courmelles a pris publiquement position sur le projet litigieux à plusieurs reprises antérieurement à l’édiction de l’arrêté attaqué. Si certaines de ces prises de positions demeurent mesurées, il ressort des pièces du dossier que le maire de Courmelles a déclaré en février 2021, soit pendant l’instruction du dossier de demande, lors d’un entretien avec un journaliste, avoir d’ores-et-déjà refusé la demande de permis de construire et précisé que « Je suis prêt à aller jusqu’au bout car la cause est juste. D’autant que je suis l’avis du commissaire enquêteur qui va dans le même sens que moi. Et puis, quand vous voyez arriver à l’enquête publique un monsieur de 90 ans qui vient déposer son avis en disant qu’il a perdu tous ses amis à cause de cancers liés à l’amiante cela ne vous laisse pas indifférent. ». Il ressort de ce même entretien qu’à cette date, le maire de Courmelles avait pris contact avec un avocat pour évaluer les frais qu’engendrerait pour la commune une instance juridictionnelle l’opposant à la société pétitionnaire. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le maire de Courmelles avait déjà exprimé des inquiétudes sur le projet en réponse à des messages sur les réseaux sociaux en mars 2020 avant son élection. Dans ces conditions, la société Rockwool France SAS est fondée à soutenir que l’arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du principe d’impartialité qui s’imposait au maire de Courmelles comme à toute autorité administrative" (TA Amiens, 8 décembre 2022, Préfet de l'Aisne - Société Rockwool, n° 2102509, 2102803).

 

Si ce jugement n'apporte pas en droit de nouveautés juridiques sur le principe d'impartialité, il reste fort intéressant car constitue l'un des rares exemples de la reconnaissance du principe d'impartialité. En outre, si le défaut d'impartialité peut être lié à un avantage financier au profit du maire (ex : éoliennes implantées sur un terrain appartenant au maire...), ici la simple prise de position du maire conduit à reconnaître fondé ce moyen. En cela, le jugement Préfet de l'Aisne - Société Rockwool doit appeler à la vigilance les élus locaux. En effet, nul doute donc que les élus devront se montrer particulièrement vigilants, notamment au travers de leurs déclarations dans la presse et sur les réseaux sociaux, afin d'éviter d'être partiaux. Les requérants et les administrés pouvant quant à eux tenter de collecter les prises de positions des élus et les conserver afin d'éviter le risque qu'elles soient supprimées des réseaux sociaux par un élu qui aurait eu la "gachette facile" sur un réseau social !