Par une décision Ministre de la Tansition écologique et Cohésion des territoires c/ Sté Ferme éolienne de Seigny, (CE, 22 septembre 2022, n° 455658, Tablesle Conseil d'Etat estime que la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables doit être prise en compte pour apprécier la qualité du site et l'impact du projet sur cet environnement.

Dans ce dossier, le Conseil d'Etat a tranché une ambiguïté reposant sur deux modes de protection du patrimoine et du paysage. D'une part, celui de la protection des abords défini par le code du patrimoine, d'autre part celui prévu par les dispositions de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme reproduites ci-après.  

En jurisprudence, ces deux fondements pouvaient être mobilisés conjointement et ce notamment lorsque le projet contesté était situé dans le périmètre d'un monument historique (Conseil d'Etat, 7 novembre 1980, min. de l’environnement et du cadre de vie et SCI Alvarado, n° 15459, 15482, Lebon). L'inverse n'était pas nécessairement possible.

Pour rappel, avec la protection des "abords" sont soumises à autorisation les travaux réalisés aux abords d’un monument historique susceptibles de porter atteinte à sa conservation ou sa mise en valeur, sous le contrôle de l’architecte des bâtiments de France (ABF). Sa portée s’étend, aux termes de l’article L. 621-30 du code du patrimoine, et à défaut de périmètre spécifiquement délimité par l’autorité administrative, à tout immeuble situé à moins de 500 mètres et visible du monument historique ou visible en même temps que lui (co-visibilité).  

A la différence, l'article R 111-27 ne fixe lui aucune limite de distance et n'est pas spécifique aux monuments historiques.

 

Dans l'arrêté ici commenté, le préfet de la Côte-d'Or avait refusé à une société un arrêté l'autorisant à exploiter un parc éolien. Cette société a contesté sans succès la légalité de cet arrêté de refus devant le tribunal administratif de Dijon. Elle a cependant formé appel et a obtenu gain de cause. Saisi par le Ministre de la Transition énergétique, le Conseil d'Etat a censuré l'arrêt rendu par la Cour administrative d'appel de Lyon (17 juin 2021, n° 18LY03943) :

"3. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des (...) ouvrages à édifier (...), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

4. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune.

5. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations."

 

La Cour aministrative d'appel de Lyon confirmant sa jurisprudence antérieure (CAA Lyon, 18 novembre 2021, n°19LY04659 et 9 juin 2022, n°20LY01002) avait jugé que le critère de covisibilité avec un monument historique ne pouvait être utilement invoqué pour caractériser une atteinte portée à l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme, dans la mesure où le projet était implanté en dehors du périmètre de protection desdits monuments, institué par le code du patrimoine. Cette appréciation est censurée pour erreur de droit et le périmètre de l'article R 111-27 du code de l'urbanisme s'en trouve élargi.

Cet élargissement aura un impact direct sur de nombreux projets éoliens situés hors du périmètre des abords monuments historiques mais visibles depuis ces derniers (chateaux ou église à la vue dégagée...). Dans les pays de Savoie par exemple, la jurisprudence Ministre de la Tansition écologique et Cohésion des territoires c/ Sté Ferme éolienne de Seigny serait probablement invocable par les opposants au projet de pars éoliens qui serait visible depuis la commune d'Yvoire (74)