« Le 21 juin 2019, à l'occasion de son centenaire, l'Organisation internationale du Travail (OIT), réunie à Genève en grande assemblée de tous ses États membres et des partenaires sociaux de chaque pays, a adopté la première convention internationale pour l'élimination de toutes formes de violence et de harcèlement dans le monde du travail. »[1]

En effet, les faits de harcèlement moral ne cessent de se multiplier malgré des évolutions juridiques.

Face à ce phénomène croissant, nombreuses sont les victimes qui n’ont pas conscience d’être face à un phénomène d’harcèlement moral au travail.

Cet article a pour objet de leur permettre de se saisir de leurs droits et de leur permettre de réagir face à ce type de situation.

 

La définition légale du harcèlement moral

L’article 1151-1 du Code du Travail dispose que :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

 

Son champ d’application et ses conséquences

Il convient de noter toute personne dans l’entreprise peut être poursuivie pour des faits de harcèlement. « Il peut s'agir de l'employeur, d'un supérieur hiérarchique, d'un collègue de travail ou d'un subordonné à l'égard d'un supérieur hiérarchique »[2] (Crim. 6 déc. 2011, n° 10-82.266).

Ainsi, l’article L1152-2 prévoit que :

« aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. »

De plus, l’article 1152-3 ajoute que :

« Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul. 

 

L’état de la jurisprudence 

En premier lieu, la Cour de Cassation a établi une jurisprudence considérant que l’ancienneté du harcèlement moral n’importe pas. Aussi, si le harcèlement perdure, l’employeur sera sanctionné.

Ainsi dans un arrêt du 30 janvier 2019, la Chambre sociale de la Cour de Cassation considère que le fait de continuer à travailler dans une entreprise n’écarte pas l’existence de faits de harcèlement moral un( e) salarié(e) qui continue à travailler dans une entreprise (Cass. Soc. 30 janvier 2019 n° 16-25778)

Dans la même logique, la Cour de Cassation considère qu’un(e) salarié(e) en fin de carrière peut également être sujets à des faits constitutifs de harcèlement moral (Cass. soc 26 juin 2019 n° 17-28323).

La Cour ajoute que même si les agissements se déroulent sur une courte période (Cour de Cassation, Chambre Sociale, 9 décembre 2009, no 07-45.52) ou même si un seul acte se répète, un harcèlement moral peut tout de même être constitué (Cour de Cassation, Chambre Criminelle, 26 janvier 2016, no 14-80.455).

En second lieu, la Cour de Cassation estime qu’en présence d’harcèlement moral, il convient d’écarter le comportement du salarié ou son absence pour justifier un licenciement.

Ainsi dans un arrêt du 10 juillet 2019, la Cour de Cassation juge que :

« Ayant constaté que le harcèlement moral, résultant notamment du retrait de certaines de ses attributions, d'injures et humiliations de la part du nouveau gérant ou de salariés sans réaction de ce dernier, était caractérisé à l'égard de la salariée, et retenu, sans dénaturation de la lettre de licenciement, que « l'attitude de moins en moins collaborative » ainsi que le fait de créer des dissensions au sein de l'équipe et de dénigrer le gérant, griefs reprochés à la salariée, étaient une réaction au harcèlement moral dont la salariée avait été victime, la cour d'appel, qui n'avait pas à examiner les autres faits énoncés dans la lettre de licenciement, en a exactement déduit la nullité du licenciement » (Cour de Cassation, Chambre Sociale, 10 juillet 2019, n° 18-14317).

Un arrêt ajoute que :

« Attendu que lorsque l’absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l’objet, l’employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que l’absence prolongée du salarié a causé au fonctionnement de l’entreprise » (Cour de Cassation, Chambre Sociale, 30 janvier 2019 n° 17-31473).

En troisième lieu, la Cour de Cassation note que les preuves rapportées doivent s’apprécier dans leur ensemble et non partiellement (voir notamment Cour de Cassation, Chambre Sociale, 20 mars 2019 n° 17-27854 ; Cour de Cassation, Chambre Sociale, 26 juin 2019 n° 17-20723).

Il convient de noter qu’en application des dispositions de l’article L1154-1du Code du Travail :

« lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. »

En dernier lieu, la Cour de Cassation a une vision relativement étendue de la notion d’harcèlement moral.

Ainsi, une affectation à des tâches subalternes sans intérêt peut constituer un harcèlement moral (Cour de Cassation, Chambre Sociale, 10 novembre 2009, no 07-42.849).

Il en va de même à l’égard de menaces ou dénigrement ayant pour but de déstabiliser le salarié (Cour de Cassation, Chambre Sociale, 1er mars 2011, no 09-69.616).

Enfin, le harcèlement moral peut être constitué du simple fait des méthodes de gestion entrainant une dégradation des conditions de travail contraire à la dignité (Cour de Cassation, Chambre Sociale, 10 novembre 2009, no 08-41.497).

Dans ce cas de « harcèlement managérial » l’intention de l’auteur n’est même pas requi

Comment réagir ?

Si vous pensez être en présence d’harcèlement moral au travail , il est possible « d’intenter une action en justice auprès du conseil de prud’hommes pour faire cesser ces agissements et demander réparation du préjudice subi. »[3] 

 

L’article 1152-6 prévoit également que :

« Une procédure de médiation peut être mise en oeuvre par toute personne de l'entreprise s'estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause.

Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les parties. »

En outre, sur le plan pénal, l’article 222-33-2 du Code Pénal dispose :

« Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. »

Aussi, la victime pourra porter plainte contre son employeur sans forcément l’en avertir. Des suites pourront alors être engagées.

Il convient de noter que dans l’un comme dans l’autre des cas, la victime aura un délai de 6 ans pour intenter une action contre le responsable des agissements de harcèlement moral.

Dans un arrêt du 19 juin 2019, la Cour de cassation a précisé que :

« la prescription du délit de harcèlement moral, lequel n'est caractérisé que par la répétition de propos ou comportements, commence à courir au jour du dernier acte manifestant l'état d'habitude » (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 juin 2019, 18-85.725

 


[1]<https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=29542&opac_view=-1>

 

[2] Fiche d’orientation Dalloz Harcèlement moral - Septembre 2019

 

[3] < https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/egalite-professionnelle-discrimination-et-harcelement/article/le-harcelement-moral>

Maître Grégoire HERVET
Avocat en droit du travail
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