C’est en effet la conclusion à laquelle aboutit la Cour Administrative d’Appel de Marseille dans son arrêt en date du 21 novembre 2019 (CAA Marseille, 21 novembre 2019, n° 19MA00342).

La primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant est énoncée à l’article 3-1 de la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989 rédigé de la façon suivante :

« Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »

Pour la Cour Administrative d’Appel de Marseille, l’intérêt supérieur de l’enfant prime notamment sur les conditions légales posées à la délivrance d’un DCEM, document de circulation pour étranger mineur.

Si un étranger mineur n’a pas besoin de posséder un titre de séjour pour pouvoir résider sur le territoire français, il devra cependant faire la demande d’un DCEM pour pouvoir se rendre hors du territoire et surtout y revenir, sans que lui soit opposée la condition de détention d’un visa.

Ce document est délivré au mineur pour une durée de 5 ans.

Le DCEM est délivré notamment à l’enfant étranger dont l’un au moins des parents possède un titre de séjour, qu’il s’agisse d’une carte temporaire, pluriannuelle ou de la carte de résident.

Cette délivrance concerne également l’enfant étranger d’un ressortissant français ou encore l’enfant confié à l’ASE.

Outre ces conditions de droit commun, certaines conventions bilatérales prévoient des conditions supplémentaires pour la délivrance d’un tel document.

Il en est ainsi de l’article 7 ter de de l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988, qui énonce, en plus de la condition de régularité de séjour d’un des parents de l’enfant, celle que l’enfant soit entré en France au titre du regroupement familial.

Mais, par-delà ces conditions légales, juge la Cour Administrative d’Appel de Marseille l’autorité administrative doit tenir compte de l’intérêt que pourrait avoir l’enfant « à se rendre hors de France et à pouvoir y retourner sans l’obligation de présenter un visa ».

Si ce principe est affirmé par la Cour, il ne sera pas appliqué en l’espèce.

Le juge d’appel valide le refus de délivrance du DCEM, ce qui démontre que la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant sur les conditions légales de délivrance du document doit être interprétée de manière restrictive.

Ainsi, la Cour valide l’analyse des juges du fond en estimant notamment que la requérante :

  • n’apporte pas le preuve de la résidence habituelle du père de sa fille mineure en Tunisie;
  • ne démontre pas que celui-ci avait la possibilité de se rendre en France afin de voir sa fille;
  • ne fait pas état d’un éventuel obstacle à ce que l’enfant se voit délivrer un visa pour se rendre en Tunisie;
  • qu’enfin un DCEM n’est pas nécessaire à l’enfant pour pouvoir se déplacer librement dans l’espace Schengen.

Il convient de relever que la Cour Administrative de Marseille, en énonçant la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant sur les règles de délivrance des DCEM, ne fait que se placer dans la lignée d’une position adoptée par le Défenseur des Droits.

Celle-ci apparait notamment dans sa décision en date du 2 septembre 2019 (Défenseur des droits, 2 sept. 2019, n° 2019-188).

Le défenseur des droits a estimé en l’espèce que l’existence de dispositions spécifiques concernant les mineurs de nationalité algérienne, contenues dans l’accord franco-algérien, n’interdisait pas au préfet d’appliquer au mineur le dispositif de droit commun, si celui-ci se révèle plus favorable.

Et cela est d’autant plus vrai lorsque l’application stricte des dispositions légales conduirait à rendre la décision préfectorale contraire aux dispositions d’une convention internationale, comme celles contenues à l’article 3-1 de la convention relative aux droits de l’enfant.

Il convient d’ajouter qu’en l’espèce, outre l’intérêt supérieur de l’enfant, le défenseur des droits fait référence aux articles 8 de la CEDH et 2-2 du protocole n°4 de la CEDH qui énoncent respectivement le principe du droit de mener une vie privée et familiale normale ainsi que celui de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.

Ainsi, pour le Défenseur des Droits, lorsque l’autorité préfectorale est saisie d’une demande de délivrance d’un DCEM à un enfant mineur n’en remplissant pas conditions légales, elle doit alors se poser la question de la conformité d’un éventuel refus de sa part, aux trois principes internationalement reconnus.

Si le principe est affirmé, l’interprétation restrictive qu’en fournit la Cour Administrative d’Appel de Marseille dans sa décision du 21 novembre 2019, jette un sérieux doute sur son effectivité.

 

Maître Grégoire HERVET
Avocat en droit des étrangers
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