Le père biologique a-t-il vraiment des droits sur son enfant ?
On pourrait en douter, à la lecture de l'arrêt rendu par la Première Chambre civile de la Cour de Cassation le 20 novembre 2019, décidant de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil Constitutionnel, et la décision prise par le Conseil Constitutionnel le 7 février 2020.
Pour bien comprendre le problème, il faut connaître l'article 351 alinéa 2 et l’article 352 alinéa 1 du Code civil, qui disposent :
Pour le premier : « lorsque la filiation de l'enfant n'est pas établie, il ne peut y avoir de placement en vue de son adoption pendant un délai de deux mois à compter du recueil de l'enfant. »
Pour le second : « le placement en vue de l'adoption met obstacle à toute restitution de l'enfant à sa famille d'origine. Il fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance. »
Dans les faits, une mère donne naissance à un enfant, elle demande le secret de l'accouchement, et elle abandonne immédiatement l’enfant.
Deux mois et un jour après sa naissance, cet enfant est admis comme pupille de l’État, et placé dans une famille d'accueil un mois et demi plus tard.
La famille d'accueil engage une procédure d'adoption plénière de l'enfant, mais le père biologique, qui semble-t-il avait été laissé dans l'ignorance de la grossesse, a découvert la naissance de l'enfant, l'a reconnu environ six mois après sa naissance, et est intervenu volontairement dans la procédure d'adoption plénière pour s'y opposer.
Devant les premiers juges, il a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, en indiquant que les dispositions des articles 351 et 352 du Code civil qui interdisent au père biologique de demander la restitution de l'enfant après le placement en vue de l'adoption violent son droit au respect d'une vie familiale normale garanti par la constitution.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 20 novembre 2019, considère que la question est sérieuse et la renvoie au Conseil Constitutionnel.
Le Conseil Constitutionnel, par décision du 7 février 2020, considère que le délai de deux mois, qui rend possible le placement et irrecevable toute demande de restitution de l'enfant et toute reconnaissance ou toute déclaration de filiation, permet de «concilier l'intérêt des parents de naissance à disposer d'un délai raisonnable pour reconnaître l'enfant et en obtenir la restitution et celui de l'enfant dépourvu de filiation. »
Le Conseil Constitutionnel rappelle que le père biologique peut reconnaître l'enfant avant sa naissance et jusqu'à son éventuel placement en vue de l’adoption.
Il ajoute que cette reconnaissance fait échec à l'adoption « même lorsque l'enfant n'est précisément identifié qu'après son placement. »
Dès lors, le délai de deux mois mentionné à l'article 351 alinéa 2 du Code civil est conforme à la constitution.
Reste à savoir comment faire respecter les droits d’un père qui aurait été tenu dans l’ignorance de la grossesse, puis de la naissance de son enfant.
Cassation Civile 1ère 20 novembre 2019, Jurisdata n°2019-020573
Conseil constitutionnel 7 février 2020, n° 2019-826 QPC
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