L’exercice périlleux de rédaction d’un testament dans une langue qui n’est pas la sienne
L’arrêt de la Cour de Cassation rapporté décrit la situation d’un citoyen allemand, qui décède en France, où il résidait depuis plusieurs années.
Il a trois enfants, et il désigne un légataire universel par un testament olographe écrit en langue française.
L’article 970 du Code Civil dispose que le testament olographe ne sera point valable s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; il n’est assujetti à aucune autre forme.
Les héritiers légaux invoquent une nullité de forme du testament, ils établissent que leur père ne comprenait pas le français et que la condition d’écriture posée par l’article 970 du Code Civil n’avait pas été respectée.
Le testament écrit, daté et signé de la main de leur père était accompagné d’un autre document, cette fois-ci rédigé en allemand, intitulé « traduction de testament » mais dont il est établi qu’il n’est pas de la main de leur père.
La Cour d'appel a considéré que le testament écrit en français était valable, car la traduction reprenait le sens du testament rédigé en français de telle sorte que, pour la Cour d'appel, la volonté du testateur a été respectée.
La Cour de Cassation n’est pas de cet avis.
Elle considère que celui qui rédige un testament dans une langue qu’il ne comprend pas ne peut pas être considéré comme avoir exprimé sa volonté.
Ainsi donc, la Cour de Cassation sanctionne, nous semble-t-il légitimement, le testament par lequel une personne finalement ne fait que reproduire des signes, qui, comme aurait dit Molière,… se transforment en mots, … qui eux-mêmes forment des phrases,…dont l’ensemble fera un testament.
Dans la mesure où l’auteur ne comprend pas les signes, les mots puis les phrases qu’il écrit, il parait indiscutable qu’il n’a pas pu exprimer sa volonté.
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La situation de ce testateur est d’autant plus regrettable qu’il aurait pu parfaitement rédiger son testament en langue allemande ; il eut été valable.
Il aurait pu faire un testament authentique devant un notaire ou même pratiquer, à condition de respecter les conditions de forme, un testament international parfaitement reconnu en droit français.
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Il nous semble qu’il faut attirer l’attention des étrangers demeurant en France, qui ne pratiquent pas bien la langue française, qui auront tendance, pour un certain nombre d’entre eux, à rédiger des testaments, ne serait-ce que pour bénéficier des dispositions du règlement succession qui, applicable en France, permettra au Juge français d’appliquer une loi à l’universalité de leur patrimoine successoral, qui sera choisi par le testateur.
Il ne faudrait pas que de telles dispositions, particulièrement avisées, soient réduites à néant, en utilisant la langue française, qui ne serait pas parfaitement comprise.
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Source : Cassation Civile Première : 9 juin 2021, n° 19-21.770
Jurisdata n° 2021-008928
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