Même si le législateur a institué en juin 2008 la « rupture conventionnelle » pour sécuriser les ruptures négociées, la transaction reste encore très répandue lorsque les parties ne décident de se rapprocher qu'après la notification du licenciement.

L'accord transactionnel est un document important puisqu'une fois signé, il ne permet plus à l'une ou l'autre des parties de revendiquer quoique ce soit d'autre au titre de l'exécution ou la rupture du contrat. Ainsi, l'on dit que la transaction revêt l'autorité de la chose jugée et s'impose aux parties.

La transaction restant un contrat, c'est le droit commun qui s'applique si la validité de la transaction elle-même est remise en cause. Outre donc les vices du consentement, les arguments le plus souvent invoqués à l'appui d'une demande d'annulation sont soit l'absence de concession réciproque, soit la violation d'une règle impérative concernant le licenciement lui même. Et ce n'est que si la transaction est annulée que le salarié est alors en droit de contester le licenciement.

Bien sûr, pour le salarié, c'est une procédure risquée puisque, après avoir obtenu l'annulation de la transaction, il doit fait juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et donc justifier que le motif de rupture ne tient pas.

Mais que se passe t-il en cas d'annulation de la transaction ? Quid de l'indemnité transactionnelle versée par l'employeur ?

L'arrêt rendu le 10 novembre 2009 par la Chambre sociale de la Cour de cassation permet de rappeler la règle applicable. Dans cette affaire, une entreprise, ayant connu une chute brutale de son activité, licencie plusieurs salariés pour motif personnel. Le motif est à chaque fois le même, et une transaction est signée avec chacun d'eux. Puis certains des salariés remettent en cause la validité des transactions, ce qu'ils obtiennent par le Conseil des prud'hommes qui :

- annule les transactions

- et condamne les salariés à rembourser à l'employeur les sommes que ce dernier avait versées dans le cadre de ces transactions.

Mécontents de devoir rembourser les sommes encaissées, les salariés se pourvoient en cassation. La décision est confirmée par la Cour de cassation qui retient que le caractère frauduleux des licenciements, dont la cause réelle était économique, avait affecté la validité des transactions conclues, mais que ne procédant pas d'une cause immorale, il ne fait pas obstacle à la restitution par les salariés des sommes versées en exécution des transactions annulées.

L'attendu de principe est le suivant : « attendu que le caractère frauduleux des licenciements notifiés pour motifs personnels alors que la cause réelle en est économique affecte la validité des transactions ensuite conclues ; que, toutefois, faute de procéder d'une cause immorale, il ne fait pas obstacle à la restitution par les salariés des sommes perçues en exécution des transactions annulées ; que c'est dès lors sans méconnaître l'objet du litige, ni violer l'adage invoqué par le moyen que la cour d'appel, retenant le caractère frauduleux des licenciements et la mauvaise foi de l'employeur dans les négociations qui les ont suivis a valablement, après avoir prononcé la nullité des transactions, ordonné la restitution par les salariés des sommes reçues de l'employeur en exécution de ces dernières ».

Ce que ne précise par l'arrêt, c'est qu'en l'espèce les salariés avaient aussi demandé leur réintégration en invoquant la nullité des licenciements (la procédure de licenciement économique ayant purement et simplement été violée). Obtenant l'annulation des licenciements, l'employeur a été condamné à leur payer l'équivalent des salaires qu'ils auraient dû percevoir entre le jour du licenciement annulé et leur réintégration. De toute évidence, l'indemnité transactionnelle faisait double emploi, raison pour laquelle il a été ordonné de la rembourser.

Néanmoins, et parce que seule la cause immorale de la transaction annulée aurait permis au salarié de conserver l'indemnité transactionnelle, on est en droit de s'interroger sur la moralité du licenciement pour motif personnel au lieu et place du motif économique qui nécessitait, s'agissant de la rupture de plusieurs contrats, l'engagement d'une procédure plus lourde et plus protectrice des salariés, ce qu'avait voulu se dispenser l'employeur.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

11 Bd voltaire – 21000 DIJON

03.80.48.65.00

Cass. soc., 10 nov. 2009, n° 08-43.805 P+B