L'employeur a l'obligation de prendre en charge les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur.

Ce principe posé, l'employeur est-il en droit d'imposer aux salariés de fournir les justificatifs de leurs frais professionnels dans un certain délai au-delà duquel il ne leur serait plus possible de prétendre à leur remboursement, ou bien doit-on au contraire considérer que le seul délai opposable aux salariés est celui de la prescription de cinq ans ?

En mai 2009, la Cour de cassation avait précisé que la prescription quinquennale s'appliquait à l'action en remboursement de frais professionnels comme à toute action relative au salaire. L'employeur ne pouvait donc pas imposer au salarié, par note de service, un délai (par exemple un mois) pour produire les justificatifs de ses frais professionnels au-delà duquel il serait privé de remboursement. La Cour de cassation avait jugé qu'au contraire, si le salarié fournissait les justificatifs au-delà du délai fixé par la note de service, mais dans le délai de la prescription quinquennale, l'employeur avait l'obligation de procéder au remboursement (cass. soc. 20 mai 2009, n° 07-45722 FPB).

Cet arrêt est remis en cause par la décision rendue par la même chambre sociale le 29 septembre 2009. Cette fois-ci, la Cour de cassation a jugé que l'employeur, qui avait fixé par note de service à un mois le délai de production des justificatifs de frais professionnels, n'était pas dans l'obligation de rembourser les frais pour lesquels le salarié n'avait pas respecté ce délai (cass. soc. 29 septembre 2009, n° 07-45722 FD). Les juges reviennent ainsi à la position adoptée dans une jurisprudence de 2006 (cass. soc. 7 mars 2006, n° 04-40869 FD).

Ce nouvel arrêt reste donc étonnant car il nous semblait que le revirement du 20 mai 2009 était quant à lui conforme au droit commun, savoir la prescription quinquennale. Quoiqu'il en soit, il est peu imaginable que l'arrêt du 29 septembre 2009 soit transposable au paiement des heures supplémentaires...

cass. soc. 29 septembre 2009, n° 07-45722 FD

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à Dijon (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mardi 29 septembre 2009

N° de pourvoi: 07-45722

Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Collomp (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., après avoir travaillé pour la société Standard industrie en qualité de technico commercial du 6 novembre 1995 au 30 juin 1998, date à laquelle il a démissionné, a conclu un second contrat de travail à durée indéterminée le 26 avril 1999 avec cette société pour exercer les mêmes fonctions ; qu'il a été licencié le 19 septembre 2002 pour "insuffisance professionnelle entraînant une insuffisance de résultats" ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Standard industrie fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résultait des pièces régulièrement versées aux débats que pour l'année 2002, le salarié avait accepté des objectifs trimestriels et annuels qu'elle avait fixés ; que la lettre de licenciement reprochait au salarié des résultats insuffisants à fin juin 2002 ayant donné lieu à une demande d'explications lors d'un entretien en date du 22 juillet 2002, une absence d'amélioration à fin août 2002 et la perspective corrélative d'un chiffre d'affaires annuel inacceptable ; qu'en lui reprochant de ne pas avoir laissé s'écouler l'année entière pour apprécier les résultats de son salarié et en refusant ainsi de se prononcer sur l'insuffisance de chiffre d'affaires constatée en juin 2002 et au 31 août 2002, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que l'employeur, seul juge de la valeur du salarié et de la nécessité et de l'urgence de le remplacer, peut valablement licencier un salarié en cours d'année pour insuffisance professionnelle entraînant une insuffisance de résultats, peu important qu'il existe une clause d'objectifs annuels et que l'année de référence ne soit pas expirée ; qu'en l'espèce, il résultait de la lettre de licenciement du 19 septembre 2002 que le salariée avait été licencié pour insuffisance professionnelle ayant entraîné une insuffisance de résultats en juin 2002 qui, sans amélioration au 31 août 2002, laissait supposer un chiffre d'affaire inacceptable ; qu'en considérant qu'en présence d'un objectif de chiffre d'affaires assigné aux commerciaux au titre de l'année 2002, elle devait attendre l'achèvement de l'année 2002 pour apprécier les résultats du salarié et ne pouvait valablement licencier son salarié pour insuffisance de résultats au 31 août 2002, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 122 14 3 et L. 122 14 4 du code du travail devenus les articles L. 1232 1 et L. 1235 2 ;

3°/ qu'il résultait d'un courrier régulièrement versé aux débats que le 11 juillet 2002, le salarié avait été convoqué à un entretien préalable "en raison de vos résultats insuffisants, l'employeur y "envisageant l'hypothèse d'un licenciement"; que la lettre de licenciement rappelait la teneur de l'entretien s'étant effectivement déroulé le 22 juillet 2002 et la décision de l'employeur, alors, de "patienter jusqu'au prochain relevé de chiffres afin de vérifier si une amélioration était intervenue entre temps" ; qu'en affirmant péremptoirement, par motifs supposés adoptés, qu'elle n'aurait pas mis en garde son salarié avant le licenciement afin qu'il puisse se ressaisir, sans à aucun moment préciser l'origine d'une telle constatation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que l'insuffisance de résultats justifie un licenciement si elle procède d'une insuffisance professionnelle du salarié; que cette insuffisance professionnelle est caractérisée lorsque le salarié obtient de mauvais résultats, ou une baisse importante de ses résultats, en comparaison avec ceux de ses collègues et qu'aucune cause extérieure ne peut justifier cette insuffisance de résultats, l'objectif accepté étant raisonnable et compatible avec le marché; qu'en l'espèce, la cour d'appel lui a, par motifs supposés adoptés, reproché de ne pas avoir démontré l'insuffisance professionnelle de son salarié à l'origine de son insuffisance de résultats ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que ses résultats en 2002 étaient en baisse importante par rapport à ceux de l'année 2001, et en retard par rapport à ceux de ses collègues ainsi que par rapport à son objectif accepté, raisonnable et compatible avec le marché, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles L. 122 14 3 et L. 122 14 4 du code du travail, devenus les articles L. 1232 1 et L. 1235 2 ;

5°/ que le juge prud'homal doit apprécier le bien fondé du licenciement en s'en tenant aux seuls griefs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, par motifs supposés adoptés, lui a reproché de ne pas voir démontré une faute du salarié à l'origine de son insuffisance de résultats ; qu'en statuant ainsi lorsque la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, invoquait une insuffisance professionnelle à l'origine de l'insuffisance de résultats ce dont il résultait qu'elle n'avait pas à justifier d'une quelconque faute du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 122 14 2, L. 122 14 3 et L. 122 14 4 du code du travail devenus les articles L. 1232 6, L. 1232 1 et L. 1235 2 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que le salarié s'était vu assigner en application de l'article 3 de son contrat de travail un objectif annuel de chiffre d'affaires pour 2002, a décidé à bon droit que l'employeur ne pouvait lui reprocher au 31 août 2002 l'insuffisance de ses résultats annuels par une projection de ceux-ci à la fin de l'année alors que la période de septembre à décembre restait à courir ; qu'exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1232 1 du code du travail, elle a décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

Attendu que la société Standard industrie fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer au salarié une somme à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement alors, selon le moyen, que les jugements doivent être motivés ; que dans ses conclusions d'appel, elle faisait valoir qu'il n'y avait pas lieu, pour calculer l'indemnité conventionnelle de licenciement de M. X..., de prendre en considération l'ancienneté qu'il avait acquise au titre d'un précédent contrat de travail au sein de l'entreprise et ayant abouti à sa démission car cela revenait à l'indemniser rétroactivement d'une rupture dont il avait pris l'initiative ; qu'en prenant en considération l'ancienneté de M. X... au titre de son précédent contrat de travail pour calculer son indemnité de licenciement sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en prenant en compte pour déterminer l'ancienneté servant au calcul de l'indemnité de congédiement le contrat de travail antérieur exécuté dans la même entreprise, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a fait application des dispositions des articles 10 et 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour accueillir la demande du salarié au titre du remboursement de frais pour l'année 2001 et pour la période janvier à juillet 2002 ainsi que septembre 2002, l'arrêt retient que la société Standard Industrie n'est pas fondée à prétendre que ces frais ne sont pas susceptibles d'être comptabilisés puisqu'étant afférents à une période ancienne ;

Qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de la note de service du 24 mars 2000 ayant fixé à un mois le délai pour produire les justificatifs de frais professionnels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Standard industrie à payer à M. X... la somme de 20 875,99 euros à titre de remboursement de frais, l'arrêt rendu le 31 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille neuf.