Dans le cadre d'une procédure de licenciement économique, le salarié peut être amené à accepter la convention de reclassement personnalisé proposée par son employeur. Cette acceptation conduit à qualifier la rupture du contrat de rupture d'un commun accord. L'avantage de ce dispositif est, pour le salarié, de bénéficier d'actions de soutien psychologique, d'orientation, d'accompagnement, d'évaluation des compétences professionnelles et de formation destinées à favoriser le reclassement professionnel. Il bénéficie également, sous réserve d'avoir deux ans d'ancienneté, d'une allocation spécifique de reclassement et peut avoir droit, s'il reprend un travail moins bien rémunéré que le précédent, à une indemnité différentielle de reclassement.

Toutefois, une telle rupture n'est légitime que si le motif économique initial existe. En effet, seules les difficultés économiques rencontrées par l'employeur peuvent conduire ce dernier à proposer à son ou ses salariés l'acceptation d'une convention de reclassement personnalisé (CRP). C'est ainsi que la Cour de cassation autorise le juge du travail à vérifier le motif économique initial, ce qui signifie que le salarié peut être amené à saisir le conseil des prud'hommes pour contester le motif économique et être indemnisé du préjudice subi (en ce sens arrêt du 5 mars 2008 http://avocats.fr/space/jpschmitt/content/la-convention-de-reclassement-personnalise-n-empeche-pas-de-contester-le-licenciement-economique_239363AD-E10B-4784-A725-14262B4CDDD7).

C'est sur ce point que la Cour de cassation vient encore d'affiner sa jurisprudence. Dans cet arrêt du 27 mai 2009 rendu par la chambre sociale, le salarié avait adhéré à la convention de reclassement personnalisé. Constatant la rupture d'un commun accord du contrat, l'employeur s'était alors contenté de notifier à son salarié la rupture par lettre dénuée de toute explication sur le motif économique originel. Reprochant à l'employeur de ne pas avoir précisé par écrit le motif économique de la rupture, le salarié avait saisi le Conseil des prud'hommes pour voir juger la rupture sans cause réelle et sérieuse, et obtenir des dommages et intérêts.

De manière ferme, la Cour de cassation affirme que « la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé doit avoir une cause économique réelle et sérieuse » ; « l'appréciation de cette cause ne peut résulter que des motifs énoncés par l'employeur ».

Et elle ajoute ; « ayant constaté que l'employeur n'avait adressé à la salariée aucun document écrit énonçant le motif économique de la rupture, la cour d'appel a exactement décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ».

Le droit actuel est donc le suivant. Si le salarié refuse la CRP, expressément ou implicitement (non réponse dans le délai de 21 jours), il est licencié pour motif économique par la notification d'une lettre recommandée avec AR suffisamment motivée. Cette motivation s'impose aussi lorsque la lettre est notifiée pendant le délai de réflexion, bien qu'alors le licenciement soit conditionnel. La Cour de cassation ajoute donc aujourd'hui que même si le salarié accepte la CRP, l'employeur doit lui notifier une lettre de rupture elle aussi parfaitement motivée.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

Soc. 27 mai 2009 n° 08-43.137

----------------------------------

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 27 mai 2009

N° de pourvoi: 08-43137

Publié au bulletin Rejet

Mme Collomp, président

Mme Bobin-Bertrand, conseiller rapporteur

M. Aldigé, avocat général

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 avril 2008), que Mme X..., engagée le 10 septembre 2001 par la société Artscan en qualité de technico-commerciale, a adhéré, le 19 avril 2006, à la convention de reclassement personnalisé qui lui avait été proposée lors de l'entretien préalable du 7 avril 2006 ; que par lettre du 31 juillet 2006, l'employeur lui a notifié la rupture de son contrat de travail ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, qu'aucune obligation légale ne pèse sur l'employeur de préciser par écrit au salarié le motif économique de la rupture lorsqu'il lui propose une convention de reclassement personnalisé ; que lorsque le salarié accepte la convention de reclassement personnalisé, le contrat de travail est réputé rompu du commun accord des parties, excluant par là même le prononcé et la notification d'un licenciement ; qu'en jugeant néanmoins que l'employeur devait notifier par écrit au salarié ayant accepté une convention de reclassement personnalisé, les motifs économiques de la rupture de son contrat de travail, à peine de priver celle-ci de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1233-67 du code du travail, 4 de la convention du 27 avril 2005 et L. 1233-16 du code du travail ;

Mais attendu que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'appréciation de cette cause ne peut résulter que des motifs énoncés par l'employeur ;

Et attendu qu'ayant constaté que l'employeur n'avait adressé à la salariée aucun document écrit énonçant le motif économique de la rupture, la cour d'appel a exactement décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Artscan aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Artscan à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille neuf.