En cas de licenciement économique, outre les moyens de droit classiques pour contester la rupture (réalité des difficultés, ordre des licenciements, obligation de reclassement...), le salarié reproche parfois à son employeur les choix faits pour tenter de résorber les difficultés économiques, de sorte que son licenciement aurait pu être évité si un autre choix avait été fait.

Depuis toujours, la Cour de cassation considère que le juge du fond, et donc en premier lieu le Conseil des prud'hommes, ne peut pas se substituer à l'employeur en ce qui concerne les choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre d'une réorganisation.

C'est ce que rappelle la Cour de cassation dans cet arrêt du 8 juillet 2009 en indiquant que s'il appartient au juge, dans le cadre du contrôle du caractère réel et sérieux du motif économique, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi, il ne peut se substituer à l'employeur quant aux choix que ce dernier effectue dans la mise en œuvre de la réorganisation.

En l'espèce, les juges du fond avaient reconnu sans cause réelle et sérieuse le licenciement économique d'un salarié, en considérant que l'employeur ne justifiait pas de l'impact de la fermeture d'un service pour remédier au déficit global de l'entreprise.

Cette vision juridique et factuelle est censurée par la Cour suprême qui devra pourtant, un jour, s'interroger sérieusement sur les conséquences du choix fait par l'employeur pour remédier aux difficultés économiques invoquées à l'appui du ou des licenciements prononcés.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

Cass. soc., 8 juill. 2009, n° 08-40.046 P+B

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 8 juillet 2009

N° de pourvoi: 08-40046

Publié au bulletin Cassation

, président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait été engagé le 1er novembre 1988 par la fondation Hôpital Saint Joseph en qualité de médecin assistant en chirurgie infantile et occupait en dernier lieu les fonctions de chirurgien adjoint responsable du département d'urologie infantile, a été licencié le 9 avril 2004 dans le cadre d'un licenciement collectif ayant pour motif économique la réorganisation de l'établissement, résultant de la suppression du service de pédiatrie au profit du développement des activités de cancérologie et de gériatrie, rendue nécessaire tant par la taille critique du service concerné que par la sauvegarde de la compétitivité en raison des contraintes budgétaires de l'hôpital ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatrième et cinquième branches :

Vu l'article L. 1233 3 du code du travail ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il importe de vérifier la pertinence des mesures prises au regard des objectifs économiques poursuivis, et qu'il n'est pas justifié de l'impact de la fermeture du service pédiatrie pour remédier au déficit globalement enregistré par la fondation au titre de son entière activité, d'autant qu'elle a été suivie par le redéploiement de ses activités dans les secteurs gériatrie, cancérologie et unité de soins intensifs en cardiologie, tous largement plus onéreux, et par la création d'un pôle mère enfant dans le prolongement de laquelle s'inscrivait logiquement le maintien de la chirurgie infantile ;

Qu'en statuant ainsi, alors que s'il appartient au juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la sixième branche du même moyen :

Vu l'article L. 1233 4 du code du travail ;

Attendu que pour statuer comme elle l'a fait, l'arrêt ajoute également que la fondation ne justifie pas de la réalité ni de la consistance de ses efforts au titre de son obligation de reclassement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le seul poste susceptible de convenir au salarié ne pouvait lui être proposé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille neuf.