Selon l'article L 3251-1 du code du trvail, l'employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu'en soit la nature. Les seules dérogations à ce principe résultent de l'article suivant du même Code, et selon lequel une compensation entre le montant des salaires et les sommes qui seraient dues à l'employeur peut être opérée dans les cas de fournitures suivants :

1° outils et instruments nécessaires au travail ;

2° matières ou matériaux dont le salarié a la charge et l'usage ;

3° sommes avancées pour l'acquisition de ces mêmes objets.

Il est des cas aussi où l'employeur souhaite récupérer tout ou partie du trop versé au titre des salaires réglés. S'il s'agit d'avances consentis, la retenue est possible que s'il s'agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles (article L4251-3). S'il s'agit de sommes indûment versées (erreurs), la retenue est possible dans la limite de la portion saisissable du salaire.

Dans le même ordre d'idée, et sous réserve des règles conventionnelles (convention collective notamment) qui peuvent prévoir le maintien de tout ou partie du salaire en cas d'absence, l'absence du salarié autorise l'employeur à retenir le salaire équivalent au temps de travail non réalisé. En revanche, l'employeur ne peut pas opérer de retenue sur salaire pour une mauvaise exécution du travail ou le refus d'exécuter l'une des tâches confiées.

Mais quelle est la règle en cas de manquement du salarié ? Le salarié peut il être sanctionné à travers une retenue de salaire ?

Par deux arrêts successifs de la chambre sociale de la Cour de cassation en date des 21 octobre 2008 et 6 mai 2009, il est jugé que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter de sa faute lourde.

Dans la première affaire, le chauffeur s'était fait dérober à deux reprises la caisse et donc le produit de la tournée. Dans la seconde affaire, le commercial avait eu un accident de la circulation pour lequel sa responsabilité était établie. Dans les deux cas, l'employeur avait retenue sur le salaire de son salarié l'équivalent de la caisse journalière moyenne (1ère affaire), et le montant de la franchise mentionné au contrat d'embauche en cas d'accident responsable (2nde affaire).

Et bien la Cour de cassation censure ces retenues en considérant que l'employeur n'avait évoqué à aucun moment la faute lourde de son salairé, ce qui l'empêchait de le sanctionner pécuniairement. Rappelons à cette égard que la faute lourde est la faute la plus importante dans l'échelle des manquements puisqu'elle nécessite de la part du salarié l'intention de nuire à l'entreprise ou à son employeur. Et dans le cas d'un licenciement pour faute lourde, le salarié est privé de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité de préavis et de son solde de congés payés.

De ces arrêts, il faut donc considérer que l'employeur ne peut sanctionner pécuniairement son salarié s'il ne lui reproche pas dans le même temps une faute lourde. Tout ceci bien évidemment sous réserve de l'appréciation du juge du travail.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 6 mai 2009

N° de pourvoi: 07-44485

Publié au bulletin Rejet

M. Gosselin (président), président

Me Luc-Thaler, SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, statuant en référé, (conseil de prud'hommes de Lyon, 3 septembre 2007), que M. X... a été engagé en qualité d'attaché commercial le 30 mai 2007 par la société Agecom ; qu'il a saisi la formation des référés de la juridiction prud'homale pour qu'il soit ordonné à l'employeur de rembourser la somme de 750 euros retenue lors de l'établissement de son solde de tout compte, en application d'une clause de son contrat de travail prévoyant qu'en cas d'accident responsable ou sans tiers identifié survenu avec le véhicule fourni par la société au salarié et assuré pour tout type de déplacement, y compris les week-ends et jours fériés, ce dernier "payera une franchise" de 250 euros ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'ordonnance de l'avoir condamné à rembourser au salarié la somme de 750 euros, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de son article 14 prévoyant la fourniture au salarié d'un véhicule assuré pour tout type de déplacement, le contrat de travail de M. X... stipulait expressément : '"en cas d'accident responsable ou sans tiers identifié, M. X... paiera une franchise de 250 euros" ; que l'employeur, qui se prévalait de cette stipulation contractuelle pour justifier la retenue de 750 euros pratiquée sur le salaire de M. X..., avait versé aux débats les trois constats d'accident sans tiers identifié établis et remis par le salarié, ainsi que les factures de réparation y afférentes, dont les montants respectifs excédaient la retenue pratiquée ; qu'en la condamnant cependant au remboursement de ces retenues, faute pour elle de justifier "du paiement à sa compagnie d'assurance des trois franchises correspondant aux sinistres", la cour d'appel, qui a subordonné l'exécution du contrat de travail à une condition qu'il ne comportait pas, a violé les articles 1134 et 1165 du code civil, L. 144-1 et R. 516-31 du code du travail ;

2°/ que la franchise représente, de convention entre les parties, une fraction du montant des dommages subis ou causés que le débiteur conserve à sa charge en cas de sinistre ; qu'en l'espèce, la retenue opérée par l'employeur sur le salaire de M. X... ne représentait pas la franchise éventuellement convenue entre l'employeur et l'assureur du véhicule confié au salarié, mais une fraction forfaitaire des dommages causés par ce dernier au véhicule mis à sa disposition à titre d'accessoire au contrat de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la formation des référés du conseil de prud'hommes a violé derechef les textes susvisés ;

Mais attendu que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde ;

Et attendu que l'employeur n'a nullement invoqué la faute lourde du salarié pour mettre en oeuvre la clause litigieuse du contrat de travail ; d'où il résulte que la décision de la formation des référés du conseil de prud'hommes est, par ce motif substitué à ceux critiqués, légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Agecom aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille neuf.