Pour établir la réalité d'un fait, d'un acte ou d'un préjudice, il faut en apporter la preuve. Cette preuve est indispensable pour solutionner un litige et, le cas échéant, gagner un procès. Mais le législateur et la Convention européenne des droits de l'homme excluent tout mode de preuve obtenu de manière déloyale. Dans l'arrêt présentement commenté et rendu le 23 mai 2007 par la Cour de cassation, la salariée devait prouver le harcèlement dont elle était victime au travail pour prétendre à l'octroi de dommages et intérêts. Devant la juridiction prud'homale, elle s'est prévalue d'enregistrements téléphoniques et de SMS échangés avec son employeur pour étayer sa demande, argumentant notamment que la retranscription par voie d'huissier de ces échanges établissait les faits de harcèlement.

Sans surprise, la Cour de cassation exclut le premier mode de preuve en rappelant que « l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue ». Ainsi, à l'exemple des images filmées par une caméra dissimulée aux salariés ou des comptes rendus d'une filature effectuée par un enquêteur privé, un enregistrement non porté à la connaissance de l'interlocuteur n'est pas un mode de preuve admis par les juridictions civiles. Si l'esprit de cette règle est logique, il n'en reste pas moins que son application au quotidien ruine les chances d'obtenir la preuve d'un quelconque fait puisque l'interlocuteur qui se sait être enregistré pendant un entretien téléphonique sera nécessairement moins loquace...

De ce fait, seul le procédé de preuve non occulte est considéré comme loyal et permet de servir les intérêts d'un justiciable. Et c'est le second mode de preuve utilisé par la salariée qui lui permettra d'obtenir gain de cause, la Cour de cassation précisant sur ce point « l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur, est un procédé loyal rendant recevable en justice la preuve ainsi obtenue ». Dans ces conditions, le SMS (short message service) est considéré de même valeur qu'une correspondance écrite. Et il en est de même d'un message laissé sur un répondeur enregistreur, d'un mail .... puisque dans ces cas, le correspondant sait que le contenu de l'échange sera conservé et stocké. Reste tout de même à certifier l'identité de l'auteur de ce message, et en l'occurrence des SMS en cause. Si dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt du 2 mai 2007, l'employeur ne contestait pas être le propriétaire du téléphone ayant servi a expédier les SMS, et donc l'auteur des dits SMS, l'on peut pour autant admettre qu'il appartiendra au juge d'identifier avec certitude l'expéditeur des messages, ce qui constitue alors une autre question.

Cette clarté de position de la Cour de cassation interroge tout de même sur l'absence de convergence, sur le sujet, entre le juge civil (et prud'homal) et le juge pénal. En effet, alors que la chambre criminelle de la Cour de cassation admet tout mode de preuve, y compris donc déloyale à l'exemple d'un enregistrement téléphonique à l'insu de la personne enregistrée, la chambre civile et la chambre sociale de cette même Cour l'écartent. Il s'agit d'une véritable insécurité juridique puisque la solution diverge selon que l'on se trouve devant le juge civil ou le juge pénal, ce qui a permis à un auteur d'écrire que « la vérité en matière pénale n'aurait pas la même intensité qu'en matière civile, la première ne saurait être sacrifiée au nom de la loyauté, là où la seconde pourrait l'être ».

Soc. 23 mai 2007 n° 06-43.209