L'illicéité d'un moyen de preuve n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. 

 

En présence d'une preuve illicite, le juge doit :

- s'interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l'employeur et vérifier s'il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l'ampleur de celle-ci

- rechercher si l'employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d'autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié

- apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

 

Il en résulte que constituent un moyen de preuve illicite les enregistrements extraits d'un dispositif de vidéosurveillance dont la salariée n'avait été informée ni des finalités, ni de la base juridique, et pour lequel l'employeur n'avait pas sollicité l'autorisation préfectorale préalable exigée par les textes. Ayant constaté que la production de ces enregistrements n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur, dès lors que celui-ci disposait d'un autre moyen de preuve qu'il n'avait pas versé aux débats, la cour d'appel a pu valablement décider que les pièces litigieuses étaient irrecevables, peu important qu'elle ait ensuite estimé que la réalité de la faute reprochée à la salariée n'était pas établie par les autres pièces produites (Cass. soc. 8 mars 2023 n° 21-17.802).

 

Egalement, le rapprochement opéré par l'employeur entre les données collectées par un système de badgeage et celles issues du logiciel de contrôle du temps de travail afin de contrôler l'activité et les horaires de travail des salariés, sans avoir procédé à une déclaration auprès du correspondant informatique et liberté au sein de l'entreprise ni informé préalablement les salariés et les institutions représentatives du personnel que les horaires d'entrée et de sortie des bâtiments étaient susceptibles d'être contrôlés, constitue un mode de preuve illicite. Une cour d'appel ne peut pas décider que ce mode de preuve ne peut pas être utilisé pour prouver la faute reprochée, sans vérifier si cet élément n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et si l'atteinte au respect de la vie personnelle de la salariée n'était pas strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. soc. 8 mars 2023 n° 21-20.798).

 

Enfin, dès lors que les données issues du terminal de saisie portatif destinées aux relevés des consommations d'énergie pour ERDF/GRDF permettent également de contrôler et de surveiller l'activité des salariés et ont été utilisées par l'employeur afin de collecter et d'exploiter des informations concernant personnellement le salarié, il en résulte que, s'agissant d'un traitement de données à caractère personnel, l'employeur est tenu de procéder à une déclaration préalable auprès de la Cnil et d'informer les salariés sur l'utilisation de ce dispositif à cette fin. A défaut, ce moyen de preuve est illicite (Cass. soc. 13-9-2023 n° 22-14.461).

 

Jean-philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

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