Par un arrêt en date du 15 juillet 2020, le Conseil d’Etat juge désormais que la réalité d’un projet d'action ou d’opération d’aménagement motivant une décision de préemption sur le fondement de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme peut être analysée à la lumière d’évènements postérieurs à son exercice.

Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord son considérant habituel développé depuis l’arrêt Commune de Meung-sur-Loire en date du 7 mars 2008 (n°288371, publié au recueil) faisant évoluer sa jurisprudence relative à la démonstration non plus de l’existence d’un projet précis mais d’un projet réel à la date de l’exercice du droit de préemption :

« Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. »

Après une analyse des pièces du dossier, la Haute juridiction considère classiquement dans le cas d’espèce que « la réalité, à la date de la décision de préemption, du projet d'action ou d'opération d'aménagement l'ayant justifiée ne peut être regardée comme établie pour cette parcelle ».

Cependant, le Conseil d’Etat ajoute de manière inédite que l’absence de projet réel à la date de la décision de préemption est corroborée par des éléments postérieurs, en l’espèce, la revente par la commune à un établissement public foncier local dans un but de réserve foncière quelques mois seulement après l’exercice du droit de préemption alors que « la décision litigieuse était motivée par la volonté de la commune de construire des logements sur la parcelle préemptée, en vue de répondre à l'objectif du programme local de l'habitat de proposer une offre de logement suffisante et aux objectifs de livraison de logements fixés par ce programme pour la période allant de 2010 à 2015 ». 

La Haute juridiction ouvre ainsi la possibilité d’apprécier la réalité du projet au regard d’un faisceau d’indices dont la date ne se limite plus au jour de l’exercice de la préemption.

Cette décision doit donc conduire les titulaires du droit de préemption à redoubler de vigilance dès lors que, en cas de contentieux sur la légalité d’une telle décision, le juge administratif pourra apprécier les suites données à l’aliénation du bien pour caractériser la réalité du projet.

Conseil d’Etat, 15 juillet 2020, n°432325, mentionné aux tables du recueil Lebon