Par un arrêt en date du 27 janvier 2021 mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a renforcé les droits des expropriés en assouplissant encore l’appréciation de la condition de l’urgence lors de la demande de suspension des effets d’un arrêté de cessibilité.

En 2006, le Conseil d’Etat avait jugé que lorsque le juge de l’expropriation a ordonné, par une décision devenue définitive, le transfert de propriété des parcelles déclarées cessibles, l’arrêté de cessibilité a reçu toute l’exécution qu’il était susceptible de recevoir et sa suspension ne pouvait plus être ordonnée (CE, 3 avril 2006, n° 291023, Publié au recueil Lebon).

Par une décision en date du 5 décembre 2014 (n°369522, mentionné aux tables du recueil Lebon), le Conseil d’Etat avait toutefois admis que l’exproprié bénéficiait d’une présomption d’urgence pour demander la suspension d’un arrêté de cessibilité sauf à ce que « l'expropriant justifie de circonstances particulières, en particulier si un intérêt public s'attache à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l'expropriation ». Ainsi, si la condition d’urgence devait être regardée, en principe, comme remplie, elle ne l’était toutefois que pour la stricte période intermédiaire ouverte par l’intervention de l’arrêté de cessibilité jusqu’au prononcé de l’ordonnance d’expropriation.

Par cet arrêt en date du 27 janvier 2021, le Conseil d’Etat reprend le même considérant tout en affirmant explicitement que le prononcé de l’ordonnance d’expropriation n’est plus un obstacle à la reconnaissance de cette présomption d’urgence :

« Eu égard à l'objet d'un arrêté de cessibilité et à ses effets pour les propriétaires concernés, la condition d'urgence à laquelle est subordonné l'octroi d'une mesure de suspension en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée, en principe, comme remplie, sauf à ce que l'expropriant justifie de circonstances particulières, notamment si un intérêt public s'attache à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l'expropriation. Il en va ainsi alors même que l'ordonnance du juge de l'expropriation procédant au transfert de propriété est intervenue. »

En l’espèce, examinant les justifications apportées par l’expropriant, le Conseil d’Etat estime qu’aucun élément n’est de nature à établir qu'il était nécessaire de permettre l'exécution immédiate de l’arrêté de cessibilité. Il convient toutefois de relever que la décision précise que l’ordonnance d’expropriation « n’était pas devenue définitive ». Un transfert de propriété irrévocable aurait donc pu motiver une solution différente.

Cette décision peut toutefois interroger dès lors qu'une éventuelle suspension de l’arrêté de cessibilité, lorsqu’elle intervient après le prononcé de l’ordonnance d’expropriation, est sans incidence sur le transfert de propriété effectué, qui est prononcé du seul fait de l'intervention de cette ordonnance.

Conformément aux dispositions de l’article L. 223-2 du code de l’expropriation, seule l’annulation définitive de la déclaration d’utilité publique ou de l’arrêté de cessibilité permet de faire constater par le juge de l’expropriation que l’ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale. 

Conseil d’Etat, 27 janvier 2021, n°437237, mentionné aux tables du recueil Lebon