À la suite de la proposition de rectification qui lui a été adressée, le contribuable a, dans ses observations antérieures à la mise en recouvrement des impositions, sollicité la communication de l'ensemble des pièces citées dans cette proposition de rectification et de tous renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels l'administration s'était fondée pour établir les impositions mises à sa charge, en particulier des procès-verbaux d'assemblée générale de société.
En jugeant qu'en l'absence de communication de ces deux procès-verbaux le contribuable a été privé de la garantie prévue par l'article L.76 B du LPF sans rechercher si, à la date à laquelle il en a sollicité la communication, il ne pouvait accéder directement et effectivement à ces mêmes documents en sa qualité de représentant légal de la société au titre de laquelle il les avait remis à l'administration fiscale, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit.
Dans un arrêt très remarqué du Conseil d’état en date du 27 juin 2019 (n°421373) publié au recueil Lebon, la Haute Assemblée a apporté un tempérament aux dispositions exigeantes de l’article L.76 B du livre des procédures fiscales.
En effet, cette décision sous certaines conditions dispense l'administration de transmettre les documents obtenus d'une société dont le représentant légal lui demande ensuite la communication dans le cadre du contrôle de son foyer fiscal.
Aux termes de l'article L.76 B du LPF, à peine d'irrégularité de la procédure, l'administration doit informer le contribuable de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les rectifications. Même s'il en a déjà eu connaissance, elle doit, à sa demande, lui communiquer ces éléments afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.
Dans la présente affaire, pour fonder les redressements opposés à un contribuable, l'administration avait utilisé deux procès-verbaux d'assemblée générale qui lui avaient été remis par une société dont ce contribuable était alors le représentant légal.
Avant la mise en recouvrement des impositions, celui-ci sollicitait la communication de ces pièces, ce que l'administration lui a refusé.
Par une décision inédite qui sera publiée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d'État sanctionne pour erreur de droit la cour administrative d'appel de Paris ayant jugé que la garantie prévue par l'article L.76 B du LPF avait été méconnue et renvoie l'affaire pour être jugée au fond.
Le Conseil d’état juge en effet qu'il appartenait à la cour de rechercher préalablement si, à la date à laquelle il en sollicitait la communication, le contribuable ne pouvait accéder directement aux documents litigieux en sa qualité de représentant légal de la société, qualité au titre de laquelle il les avait lui-même antérieurement remis à l'administration.
Il considère que les documents litigieux doivent être regardés comme ayant été obtenus de tiers et qu'ils relèvent, comme tels, des dispositions de l'article L.76 B du LPF.
Retenant l'analyse du rapporteur public, il envisage donc séparément les deux qualités du contribuable : celle de représentant légal de la personne morale ayant transmis les documents à l'administration et celle de membre d'un foyer fiscal faisant l'objet de rectifications de ses impositions personnelles.
La décision du Conseil d'état ne comporte donc aucune atténuation de l'obligation faite à l'administration d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des documents.
En effet, les documents litigieux étant considérés comme ayant été obtenus de tiers, l'obligation d'information prévue par l'article L.76 B du LPF s'impose de plein droit.
S'il est avéré (ce que la cour administrative d'appel n'a pas recherché dans cette espèce) que le contribuable demande la communication de documents auxquels ses fonctions lui donnent toujours directement et effectivement accès, le Conseil d'état permet désormais à l'administration de se dispenser de son obligation de communiquer ces documents.
En effet, dans ce cas particulier, cette obligation ne revêt plus qu'un caractère formel et ne constitue plus un élément de la garantie instituée par l'article L.76 B du LPF : même à défaut de communication, le contribuable peut quand même accéder aux documents qui lui sont opposés. Il était donc possible de dispenser l'administration d'une formalité devenue inutile et sans conséquences réelles sur la régularité de la procédure.
Le rapporteur public indique que, pour apprécier si le contribuable conservait un accès direct aux documents à la date où il en sollicitait la communication, il faut prendre en compte la nature des fonctions qu'il exerçait à cette date au sein de la société ayant remis les documents à l'administration. Selon le rapporteur, l'exigence d'un accès direct du contribuable à ces documents exclut qu'il exerce des fonctions subalternes au sein de la société ou qu'il doive y solliciter l'intervention d'un tiers.
Enfin, ainsi que l'a rappelé le rapporteur public, le contribuable conserve la possibilité de faire valoir que, malgré sa position au sein de la société, il lui est impossible d'accéder aux documents en cause (du fait de leur destructions, par exemple). Dans ce cas, l'administration est à nouveau soumise à l'obligation de communication, conformément à la jurisprudence du Conseil d'état sur ce point (CE 30-5-2012 n° 345418 min. c/ SAS Aficom : CF-I-1145).
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