Par une note diplomatique du 17 juin 2014, la France a dénoncé la convention franco-suisse du 31 décembre 1953 en matière d’impôts sur les successions. Conformément aux stipulations du paragraphe 2 de son article 6, ladite convention a donc cessé d’être applicable pour les successions de personnes décédées à partir du 1er janvier 2015.

Depuis cette date, ce sont donc les dispositions de droit interne qui trouvent à s'appliquer (article 750 ter du Code général des impôts).

La conséquence immédiate a été de permettre d’imposer en France la plupart des biens hérités par des personnes habitant dans ce pays, au décès de leurs parents résidant en Suisse.

Ce faisant, en l’absence de convention fiscale, chaque pays applique son droit interne en matière successorale sans qu’aucun garde-fou (ou presque) ne vienne empêcher une double imposition.

Nous devons envisager deux hypothèses: celle où un résident suisse a des héritiers non résidents en France et avec de l'actif en France, et celle où résident suisse dispose d'actifs en France et avec des héritiers résidant en France au sens de la réglementation fiscale. 

1. Hypothèse où le résident suisse disposent de biens en France et dont les héritiers résident hors de France ( article 750 ter 2 du CGI).

Dans cette situation, au décès, la succession est d’abord imposable dans le pays de résidence du défunt, soit en Suisse. L’impôt sur les successions y est prélevé par les cantons et communes compétents selon le bien concerné et est dû par les héritiers/ légataires. La fortune mobilière est imposable dans le canton de domicile du défunt et les immeubles situés en Suisse dans celui de leur situation. Si ce défunt avait aussi des biens en France, la France sera en droit de les imposer également. 

Sont concernés les immeubles situés en France détenus soit en nom, soit à travers une société à prépondérance immobilière ou dont le défunt détenait la majorité du capital avec son groupe familial (à noter que ces biens ne sont pas soumis aux droits de succession en Suisse mais leur valeur est prise en compte pour déterminer le taux d’imposition des biens qui y sont imposables), tout comme les biens meubles situés en France: c’est-à-dire notamment les meubles meublants, objets d’art et bijoux, mais aussi les créances sur un débiteur français, les titres et comptes français.

Pour éviter des droits de succession élevés, il est possible de réduire les actifs imposables en France en les vendant ou en en donnant la nue-propriété aux héritiers ou légataires ; on peut aussi agir sur les biens meubles qui se trouvent en France et en rapatrier tout ou partie dans sa résidence principale en Suisse (sous réserve des déclarations en douane) et enfin, on minimisera les avoirs sur les comptes bancaires en France et on évitera les titres français.

2.Hypothèse où le résident suisse a des héritiers résidant en France (art. 750 ter 3° du CGI)

La France est un des rares pays qui tiennent compte du lieu de résidence des héritiers pour imposer une succession. A cet égard, les héritiers ou légataires ayant résidé en France plus de six ans au cours des dix années précédant le décès doivent non seulement payer les droits de succession suisses mais aussi les droits français sur tous les biens qu’ils recevront où qu’ils se trouvent.

Les héritiers ou légataires résidant en France doivent y déposer une déclaration de succession dans les six mois du décès s’il a eu lieu en France et douze mois s’il a eu lieu à l’étranger. 

Sur sa part imposable, chaque descendant français a droit à un abattement de 100 000 euros tous les quinze ans. Les droits de succession sont progressifs et atteignent en ligne directe (parents à enfants) le taux maximum de 45% à partir d’un actif imposable par héritier de 1 805 677 d’euros ; ils sont de 55% (flat) entre oncles/tantes et neveux/nièces et de 60% entre tiers.

Ces taux sont sans commune mesure avec ceux des différents cantons suisses (taux 0% en ligne directe à Genève pour personnes imposées selon le régime ordinaire et aussi dans le Valais, par exemple). 

La double imposition est évitée par l’imputation sur les droits dus en France de ceux payés en Suisse (article 784 A du CGI) sur présentation d’un formulaire N° 2740 avec le justificatif de paiement des droits.

La situation est alors bien différente. En effet, on sait que tous les biens reçus par ces héritiers seront imposables en France et donc la vente d’un bien immobilier français ne fera qu’augmenter l’actif imposable en France.

Il faut donc travailler sur la diminution du taux d’imposition en France et, pour cela, plusieurs solutions peuvent se combiner entre elles.

  • Donner la nue-propriété de biens immobiliers en France de son vivant 

Cette solution permet, lors du décès de l’usufruitier, qu’aucun droit de succession ne soit dû sur le transfert de son usufruit au nu-propriétaire (la donation doit être enregistrée et ne pas avoir lieu dans les trois mois qui précèdent le décès sinon elle n’est pas reconnue fiscalement – article 751 du Code général des impôts, ou CGI).

En l’absence de convention fiscale entre la France et la Suisse en matière de droits de donation, les donations faites par un donateur résident suisse à un donataire résident français sont imposables en Suisse (qui impose le donateur) mais aussi en France car la France impose aussi les donataires ayant résidé en France depuis plus de six ans sur les dix années précédant la donation (le donateur peut payer les droits pour le compte du donataire sans que ce paiement soit considéré comme une libéralité imposable en France). 

Plus le donateur sera jeune lors de la donation de la nue-propriété, moins le donataire paiera de droits en France : si le donateur est âgé de plus de 51 ans mais de moins de 61 ans la nue-propriété ne vaudra fiscalement que 50% de la pleine propriété ; s’il a entre 61 et 71 ans elle en vaudra 60%, mais s’il a plus de 91 ans elle en vaudra 90%.

Le même traitement fiscal s’appliquera en France si le donateur souhaite donner la nue-propriété d’un bien immobilier sis en Suisse au même donataire et il n’y a donc pas d’avantage fiscal à ce faire.

  • Donner une somme d’argent sans droits de donation en France

Selon l’art. 790G du CGI, en France, chaque parent peut donner, en espèces ou par virement, à son enfant ou petit-enfant ou arrière-petit-enfant (ou à défaut à un neveu ou une nièce) la somme de 31 865 euros une fois tous les quinze ans, à condition que le donateur ait moins de 80 ans et que le donataire soit majeur (soit 63 730 euros par enfant pour le père et la mère). De plus, cette somme peut se combiner pour les grands-parents à la donation d’un bien de même montant à un petit-enfant (soit in fine un total de 127 460 euros pour un couple de grands-parents à chacun de leurs petits-enfants). 

  • Transmettre une société ou une entreprise familiale via un pacte Dutreil

Cette alternative fiscalement attrayante permet (sous certaines conditions, dont celle de conclure un engagement collectif de conservation des biens) de transmettre une entreprise familiale détenue depuis plus de deux ans en bénéficiant d’une exonération des droits de donation ou de succession sur les trois quarts de leur valeur. Il doit s’agir d’une société ou d’une entreprise individuelle opérationnelle (ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale).

La transmission des titres peut se faire en pleine propriété ou en démembrement mais elle doit porter sur un pourcentage minimum qui varie selon que la société est cotée ou non. L’entreprise peut aussi être une holding animatrice de groupe, c’est-à-dire une holding qui participe activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales.

Il est bien sûr recommandé aux non-résidents de ne pas conserver d’activité en France ni de mandat social après leur transfert de résidence hors de France et cette alternative doit donc être mise en place avant le départ. Toutefois, si l’engagement collectif de conservation des titres durant deux ans au moins n’a pas été conclu avant le décès, il peut encore être conclu dans les six mois du décès par les héritiers ou légataires entre eux ou avec d’autres associés.

  • Modifier son régime matrimonial

Dernière alternative : retarder la fiscalité d’une succession en ligne directe en prévoyant de tout transmettre au conjoint survivant résident suisse; pour cela, le couple doit être marié sous le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution au conjoint survivant (pour mémoire, un changement de régime en France ne peut se faire qu’après deux ans de mariage). 

Il faut alors étudier les conséquences fiscales dans son canton de résidence selon les taux applicables entre époux. Cette alternative permet aux parents de gagner quelques années dans la planification de leur succession au regard de leurs enfants en France mais, de ce fait, il pourra être judicieux de leur faire des donations en nue-propriété pour permettre de les aider financièrement.