La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rendu une décision en date du 21 septembre 2022 suite à une question préjudicielle posée à la CJUE concernant la règle de la compétence subsidiaire du règlement successions.

Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n’est pas située dans un État membre, une juridiction d’un État membre doit relever d’office sa compétence subsidiaire résultant du fait que le défunt a la nationalité de cet État et y possède des biens.

Le règlement 650/2012 du 4 juillet 2012 pose plusieurs règles de compétence juridictionnelle. La règle de base attribue compétence aux juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès (art. 4).

Cette règle est complétée par des règles de compétence subsidiaire énoncées à l’article 10 dans l’hypothèse où le défunt n’avait pas sa résidence habituelle dans un État membre, mais que la succession présente un lien suffisant avec l’Union européenne justifiant la compétence des juridictions d’un État membre :

« 1. Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où :

 a) le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès ; ou, à défaut,

 b) le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État membre, pour autant que, au moment de la saisine de la juridiction, il ne se soit pas écoulé plus de cinq ans depuis le changement de cette résidence habituelle ».

En l’espèce, une personne de nationalité française était décédée avec sa résidence habituelle au Royaume-Uni.

L’article 4 du règlement, seul invoqué par les parties, ne permettait pas de fonder la compétence des juridictions françaises, ce qu’avait relevé la cour d’appel, qui s’était déclarée incompétente. Mais la compétence des juridictions françaises pouvait être retenue sur le fondement de l’article 10, § 1-a, le défunt étant de nationalité française et possédant des biens en France.

Simplement, cette disposition n’avait pas été invoquée par les parties.

Est-ce que la cour d’appel aurait du relever d’office son application ? La Haute juridiction a précisément posé cette question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (Cass. 1e civ. 18-11-2020 n° 19-15.438).

La Cour de justice de l’Union européenne avait répondu qu’une juridiction d’un État membre doit relever d’office sa compétence au titre de la règle de compétence subsidiaire prévue à l’article 10 lorsque, ayant été saisie sur le fondement de la règle de compétence générale de l’article 4, elle constate qu’elle n’est pas compétente au titre de cette disposition (CJUE 7-4-2022 aff. 645/20 : BPAT 3/22 ).

La Cour de cassation tire les conséquences de la décision de la CJUE.

Elle casse sans renvoi l’arrêt de la cour d’appel et dit les juridictions françaises compétentes pour statuer sur l’ensemble de la succession dès lors que le défunt avait la nationalité française et possédait des biens situés en France.