Une société est notamment caractérisée par une personnalité morale et un siège social. Cette adresse est en principe connue de tous, elle apparaît sur les documents officiels (statuts, factures, inscription au registre du commerce et des sociétés…). Mais ces identifiants ne sont pas immuables, une société peut par exemple transférer son siège social à une autre adresse à condition de respecter les règles de publicité légale.

 

Mais il arrive parfois qu’un transfert de siège ne soit pas encore connu de l’administration fiscale, laquelle adresse les éléments d’information du contrôle à l’ancienne adresse de la société qui n’est pas en mesure d’y répondre. 

 

Quelles seraient les conséquences pour le contribuable s’il n’a pas communiqué la bonne adresse ou changé d’adresse et comment éviter dans ce cas un rehaussement non contradictoire ainsi que des pénalités ?

 

Rappelons que l’article L 45 du LPF prévoit une sanction sévère si le contribuable empêche les agents de faire leur travail de contrôle  :

 

« Tout refus opposé par le contribuable à la présence de fonctionnaires des administrations des autres États membres dans le cadre des enquêtes prévues au 1 est considéré comme un refus opposé aux agents de l’administration et entraîne l’application, le cas échéant, des articles 1732 et 1734 du code général des impôts".

 

Et qu’en l’absence de dépôt d’une déclaration en temps utile , l’article L. 66 du LPF prévoit une procédure de taxation d’office.

 

Il est donc essentiel pour le contribuable de ne pas s’opposer au contrôle fiscal pour éviter de lourdes pénalités mais aussi de connaître les règles de compétence territoriale des agents.

 

I - IDENTIFICATION DU SIEGE SOCIAL ET LIEU DE CONTROLE : UN ENJEU CRUCIAL POUR LA VALIDITÉ DE LA PROCÉDURE

 

La règle de principe est rappelée par l’art. 2 de l’arrêté ministériel du 2 févr. 1971 que la compétence territoriale des agents de vérification des directions régionales des impôts n’est pas déterminée prioritairement par le lieu du siège des entreprises commerciales et industrielles et, subsidiairement seulement, par le lieu de leur principal établissement (Voir CE 13 nov. 1985).

 

La question de la compétence de l’agent peut présenter un grand intérêt pratique car l’incompétence territoriale pour procéder au contrôle et à un rehaussement entache d’irrégularité la notification de redressements et entraîne la décharge des impositions correspondantes (Voir CE 26 juill. 1982, no 24974: RJF 1982. 483).

 

Mais le contrôle doit il avoir lieu pour autant nécessairement au siège social de la société ?

La réponse est donnée notamment par la jurisprudence qui a admis de nombreuses dérogations. 

 

1°/ En effet il a été admis que la vérification de comptabilité d’une société anonyme qui a son siège à Paris, mais a pour activité l’exploitation d’un domaine viticole en Gironde, pouvait être régulièrement effectuée par des agents de la direction régionale des impôts de Bordeaux dès lors que, comme elle y était tenue, elle a constamment déposé les déclarations fiscales afférentes à cette exploitation auprès des services compétents de la Gironde (Voir en ce sens CE 5 mars 1999, no 135287: RJF 1999, no 386).

 

2°/ Pour les filiales du contribuable, on admet aussi une extension de compétence territoriale. 

Le vérificateur d’une direction régionale des impôts a ainsi reçu compétence pour exercer son droit de communication ou procéder à toute vérification hors du ressort de sa région auprès du président-directeur général d’une société anonyme et de cette société elle-même qui est une filiale d’une autre société ayant son siège social dans le ressort territorial du vérificateur (Voir CAA Bordeaux, 1er déc. 1997, no 94405: Dr. fisc. 1998, comm. 407).

 

3°/ La notion de ressort de compétence peut-être aussi être interprétée assez largement.

Ainsi il a été jugé qu’un agent dépendant de la direction régionale dans le ressort territorial de laquelle une société civile immobilière a son siège était compétent pour lui adresser une notification de redressements et pour lui envoyer cette notification, conformément aux indications mêmes de la société, au domicile du gérant de celle-ci, situé en dehors de son ressort (Voir en  ce sens, CE 18 nov. 1985, no 44343: RJF 1986. 25).

 

II - TRANSFERT DE SIÈGE ET IMPORTANCE DU RISQUE FISCAL POUR LE CONTRIBUABLE

 

Le principal risque que supporte le contribuable est d’être accusé de d’opposition individuelle à contrôle fiscal. Une telle qualification ne présuppose pas nécessairement une opposition physique, mais peut-être retenue également en cas de comportement passif qui gêne la poursuite des opérations de vérification ou leur mise en oeuvre.

Le refus du contribuable de communiquer les livres et les documents comptables ou de rencontrer le vérificateur pourra se traduire , soit comme une opposition formelle de l’assujetti, soit comme une attitude passive telle que l’absence de réponse aux convocations. 

En présence de tels actes, qui seront  assimilables à une opposition à contrôle fiscal, l’article L74 du LPF prévoit une procédure d’évaluation d’office des impositions lorsqu’il est établi que le vérificateur n’a pas pu effectuer le contrôle, soit du fait du contribuable, soit du fait de tiers.

 

1° la règle de principe  : l’absence du contribuable lors de contrôle est assimilé à une opposition au contrôle

 

Le contribuable ne peut en principe invoquer sa propre absence lors du contrôle fiscal comme justificatif.

 

Lorsque le contribuable est absent à la date où devaient débuter les opérations de vérification et qu’il ne s’est pas manifesté  pendant plusieurs mois sans qu’il soit possible de le joindre, le contrôle fiscal n’a pu avoir  lieu du fait de l’intéressé, et l’administration était en droit d’évaluer d’office son bénéfice (Voir notamment CE 7-12-1977 n° 3071, 7e et 9e s.-s. :  RJF 2/78 n° 59 ; BOI-CF-IOR-40 n° 100, 12-9-2012).

 

Il a toutefois été admis par la jurisprudence que le contribuant refuse de se rendre dans l’un de ses établissements secondaires pour une vérification ponctuelle, alors qu’il était disponible dans son établissement principal ou son siège social.

 

2° les atténuations la règle de principe : un transfert de siège peut constituer une excuse valable à l’absence lors du contrôle

 

Il a été jugé qu’il ne pouvait être reproché à société qui a transféré son siège social avant d’être informée des opérations de contrôle de s’être opposée à ce contrôle en demandant que la vérification se déroule dans ses nouveaux locaux :

« Considérant qu’eu égard aux circonstances sus-décrites, au demeurant corroborées par les factures de consommation d’électricité produites par la SARL Ceici, qui établissent qu’antérieurement aux opérations de vérification de comptabilité, la société, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait eu ainsi l'intention de faire obstacle au contrôle, avait transféré le siège de son principal établissement dans une autre localité et ne pouvait pas matériellement être vérifiée dans les locaux qu'elle avait définitivement abandonnés, le contrôle fiscal ne saurait être regardé en l'espèce comme n'ayant pu avoir lieu, au sens des dispositions de l'article L 74 précitées, du fait du contribuable..."

(Voir, CAA Lyon 12-6-1991 n° 1427, 2e ch., SARL Ceici :  RJF 11/91 n° 1416).

Le contribuable devra toutefois se garder d’un excès d’optimisme, car dans cette affaire il avait été nécessaire de démontrer  que le transfert était intervenu avant que la société ne reçoive l’avis de vérification. 

L’administration fiscale n’avait pas pu démontrer de son côté la quasi impossibilité du contrôle.

Ainsi, un transfert de siège même lorsqu’il n’a pas fait l’objet des mesures de publicité légales peut-être opposable au Service, mais il sera parfois nécessaire d’obtenir l’aval du juge, car celui-ci pourrait ne pas l’accepter comme justificatif d’une absence…