CEDH, 21 mai 2019, Aff. 49450/17 (O.C.I et autres c. Roumanie)
Dans cette affaire, la CEDH a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) puisque les juridictions roumaines avaient ordonné le retour des enfants auprès de leur père résidant en Italie sans tenir compte du risque de violences domestiques.
LES FAITS
Un couple et leur deux enfants nés en 2008 et 2010, vivaient en Italie. Après avoir passé des vacances d’été en Roumanie, la mère décida de ne plus retourner avec eux auprès de son époux en Italie. Ce dernier, demanda leur retour en Italie en application de la convention de la Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. La mère s’y opposa au motif que le père les battait et humiliait en les insultant ce qu’elle prouva par plusieurs enregistrements vidéo. Les juridictions roumaines firent droit à la demande de retour en 2016, leur décision fût confirmée en 2017. Elles invoquaient que le père avait certes exercé de la force physique sur ses enfants, mais que ces actes de violence avaient été occasionnels et ne se reproduiraient pas suffisamment souvent pour représenter un risque grave. Par ailleurs, elles considéraient que les autorités italiennes seraient en mesure de protéger les enfants si le risque d’abus était porté à leur attention. Les autorités n’ont pas réussi à exécuter les décisions car les enfants refusent de retourner en Italie.
Les requérants se plaignaient de l’ordonnance de retour des enfants en Italie. Ils alléguaient en particulier que les juridictions roumaines n’avaient pas pris en compte le risque grave que les enfants subissent des mauvais traitements aux mains de leur père alors que ce risque constitue au regarde de la convention internationale l’une des exceptions au retour des enfants dans leur lieu de résidence habituel.
La CEDH leur donne raison en notant que
l’existence, en vertu du droit de l’Union européenne, d’un lien de confiance mutuelle entre les autorités de protection de l’enfant des deux Etats, tel celui qui existe entre la Roumanie et l’Italie (Règlement BruxellesII-bis) ne signifie pas que l’Etat vers lequel un enfant a été déplacé illicitement doit ordonner son retour dans un environnement dans lequel il sera exposé à des risques graves de violences domestiques au seul motif qu’il s’agit de son lieu habituel de résidence et que les autorités du pays sont en mesure de s’occuper de cas d’abus. Les juridictions internes auraient dû tenir davantage compte du risque de mauvais traitements auquel les enfants seraient exposés en cas de retour en Italie. La Cour conclut que les juridictions internes n ’ont pas examiné les allégations de « risque grave » d’une manière compatible avec l’intérêt supérieur des enfants. Il y a donc eu violation de l’article 8 de la convention.
Observations : La Convention de la Haye de 1980 sur les aspects civils en matière d’enlèvement international d’enfants a été conçue pour remédier rapidement à la voie de fait en remettant la situation dans le statut quo ante. Le principe est le retour immédiat de l’enfant dans l’Etat de sa résidence habituelle avant son déplacement illicite. La convention internationale prévoit cependant des exceptions au principe. Tous les ravisseurs d’enfants se prévalent de ces exceptions. Avant de rejeter la demande, le juge du retour doit apprécier de manière restrictive l’intérêt supérieur de l’enfant.
Dans le cas d’espèce il s’agit d’un enlèvement d’enfants au sein de l’Union Européenne. Le juge saisi de la demande de retour doit dans ce cas appliquer la convention de la Haye de 1980 en combinaison avec le Règlement Bruxelles-II-bis. La convention internationale prévoit dans son article 13 al. 1 b) une exception au principe du retour immédiat si ce dernier expose l’enfant à un risque grave ou le met dans une situation intolérable. Dans cette hypothèse, la demande de retour de l’enfant dans l’Etat de sa résidence habituelle peut être rejetée. Cependant, le Règlement Bruxelles-II-bis dans le souci d’ améliorer le traitement de l’enlèvement d’enfants a considérablement limité les effets de la mise en œuvre de l’ exception de l’article 13 al. 1, b) de la convention de la Haye de 1980.
En effet, selon l’article 11.4 du Règlement une juridiction ne peut pas refuser le retour de l’enfant en vertu de l’article 13, point b), de la convention de la Haye de 1980 s’il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l’enfant après son retour.
Pour mettre en œuvre ces dispositions, le Règlement prévoit dans son article 55 une coopération entre les Etats membres via les bureaux centraux saisis de ces affaires.
Dans le contentieux intra-communautaire, le juge de la convention internationale doit faire droit à la demande de retour, et ce même lorsque de mauvais traitements sont allégués à condition toutefois qu’il est garanti que des dispositions adéquates seront prises dans l’Etat de la résidence habituelle pour assurer la protection de l’enfant à son retour.
Dans le cas d’espèce, la CEDH a sanctionné la Roumanie parce qu’elle avait fait droit à la demande de retour des enfants en Italie sans mettre en oeuvre les mécanismes de protection prévus par les textes. D’un côté les juges roumains ont apprécié les violences alléguées en les minimisant alors qu’il leur appartenait de veiller à obtenir de l’Etat italien la confirmation que les dispositions adéquates seront prises pour protéger les enfants dès leur retour, d’un autre côté, la simple motivation de leur décision qu’en cas de besoin « les autorités italiennes sont en mesure de s’occuper de cas d’abus », n’est évidemment pas jugée suffisante, la protection doit être effective et existée avant que le juge ne statue.
Autrement dit, dans l’hypothèse où un risque grave ou une situation intolérable est invoquée devant le juge du retour, il appartient, dans les affaires intra-communautaires, de fournir une attestation des autorités judiciaires et des services sociaux de la résidence habituelle de l’enfant en vue d’assurer la protection des enfants à leur retour.
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