JEX, Nanterre du 1er mars 2022 – n° RG 21/09681
Un mari français et son épouse allemande se séparent. Le mari paie pendant quelques mois spontanément à son épouse installée en Allemagne une contribution aux charges du mariage. Un juge berlinois rend, le 9 septembre 2020, une décision par défaut condamnant l’époux rétroactivement au paiement d’ une pension alimentaire au titre du devoir de secours.
L’épouse demande à un huissier de justice de pratiquer une saisie attribution sur les comptes bancaires du mari.
Ce dernier l’a fait assigner devant le Juge de l’exécution de NANTERRE aux fins de voir constater que les saisies-attribution pratiquées sur ses comptes bancaires sont nulles et de nul effet, et en conséquence, en ordonner la mainlevée.
Parallèlement, il a saisi le juge berlinois afin d’obtenir le réexamen de la décision.
Il a été débouté de ses demandes tant par le juge allemand que le juge français.
La question qui se posait dans cette affaire était, entre autres, de savoir si la décision allemande devait au préalable être reconnue en France pour pouvoir y être exécutée. En tout cas ce que prétendait le débiteur.
Il faisait valoir que la décision rendue par défaut par un tribunal allemand ne lui aurait pas été régulièrement signifiée. Cette dernière décision ne serait pas exécutoire en France, conformément aux règles prévues par le Règlement Bruxelles I sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale en l’absence de justification d’une déclaration de force exécutoire. Il ne serait pas non plus justifié d’une déclaration de force exécutoire suivant le Règlement communautaire n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil en date du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées.
1° Or les dispositions relatives à l’obtention d’un exequatur ayant été abrogées et remplacées par le Règlement (CE) n° 4/2009 du 18 décembre 2008 relatif aux obligations alimentaires, applicable depuis le 18 juin 2011. En effet, ce Règlement européen a abrogé et remplacé les dispositions de l’article 5 du Règlement Bruxelles I, avant que ce dernier ne soit à son tour abrogé et remplacé par le Règlement Bruxelles I-bis, supprimant à compter du 10 janvier 2015 également l’obligation d’exequatur.
Ledit Règlement européen n° 4/2009 prévoit à l’article 17 la suppression de l’exequatur pour les décisions rendues dans un État membre lié par le protocole de la Haye, ce qui est le cas de la République Fédérale d’Allemagne : « 1. une décision rendue dans un État membre lié par le protocole de la Haye de 2007 est reconnue dans un autre État membre sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure et sans qu’il soit possible de s’opposer à sa reconnaissance. 2. une décision rendue dans un Etat-membre lié par le protocole de la Haye de 2007 qui est exécutoire dans un Etat-membre jouit de la force exécutoire dans un autre État membre sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire ».
La décision allemande pouvait donc être exécutée en France de la même façon qu’un titre français, les formalités exigées par l’article 20 du Règlement ayant été remplies (décision certifiée par le greffe de la juridiction allemande et traduite en français).
2° La formalité d’exequatur étant supprimée pour des décisions rendues dans un Etat-membre lié au protocole de la Haye de 2007, le débiteur ayant été condamné par défaut à payer une pension alimentaire, bénéficie néanmoins de garanties.
En effet, l’article 19 du Règlement (CE) n° 4/2009 prévoit la possibilité d’un réexamen de la décision pour le débiteur qui n’avait pas comparu dans l’État membre d’origine, les conditions étant que :
a) l’acte introductif d’instance, ou un acte équivalent ne lui a pas été signifié ou notifié en temps utile et de telle manière qu’il ait pu se défendre, ou
b) il s’est trouvé dans l’impossibilité de contester la créance alimentaire pour cause de force majeur ou en raison de circonstances extraordinaires, sans qu’il y ait eu faute de sa part, à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’encontre de la décision alors qu’il était en mesure de la faire
2. Le délai pour demander le réexamen court à compter du jour où le défendeur a eu effectivement connaissance du contenu de la décision et où il a été en mesure d’agir, au plus tard à compter du jour de la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre ses biens indisponibles en tout ou partie. Le défendeur agit sans tarder et en tout état de cause dans un délai de 45 jours. Ce délai ne comporte pas de prorogation à raison de la distance.
Le juge de l’exécution rappelle que le débiteur a bénéficié de la possibilité à lui offerte par le Règlement européen pour obtenir le réexamen de la décision. La juridiction allemande ayant rendu une décision de rejet le 5 août 2021, mentionnant que ladite décision ne peut faire l’objet d’un recours, soit bien avant que le juge français rende sa décision le 1er mars 2022.
A défaut, le débiteur aurait pu demander au juge de l’exécution de surseoir à statuer en attendant la décision de la juridiction allemande saisie du réexamen.
Une décision rendue dans un Etat membre lié au protocole de la Haye de 2007 qui est exécutoire dans un Etat-membre jouit de la force exécutoire dans un autre État membre sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire, après avoir été certifiée par le greffe de la juridiction de l'Etat membre d’origine et traduite en français. En cas de décision par défaut, le débiteur bénéficie d’un recours pour obtenir dans certains conditions et délais son réexamen. |
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