Il y a litispendance quand un litige entre les mêmes parties et ayant le même objet est pendant devant deux juridictions compétentes. Nous distinguons la litispendance entre juridictions d’ Etats- membres de l’Union Européenne (I) et celle entre une juridiction d’ un Etat-membre et un Etat tiers (II).
- LA LITISPENDANCE INTRACOMMUNAUTAIRE
La litispendance entre Etats-membres de l’Union Européenne est régie par le Règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de la responsabilité parentale.
Selon l’article 19 du Règlement, lorsque des demandes en divorce, séparation de corps ou en annulation du mariage sont formées devant deux juridictions d’Etats-membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie. Lorsque la compétence de la juridiction première saisie est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci.
La saisine de la juridiction est définie par le Règlement.
Selon l’article 16 du Règlement une juridiction est saisie :
- à la date à laquelle l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction à condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu’il était tenu de prendre pour notifier ou signifier l’acte au défendeur.
- Si l’acte doit être notifié ou signifié avant d’être déposé auprès de la juridiction, à la date à laquelle il est reçu par l’autorité chargée de la notification ou de la signification à condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite de prendre les mesures pour le notifier ou signifier au défendeur.
Avant la reforme, la juridiction française était saisie dès le dépôt de la requête en divorce, la date de la saisie étant celle du dépôt de l'acte auprès du greffe de la juridiction (article 16.1).
Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure de divorce issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, il y a des changements notables.
En effet, la procédure de divorce n’est plus initiée par une requête en divorce, mais par une assignation qui doit être signifiée avant d’être déposée auprès de la juridiction.
En vertu de l’article 16.2) la date de la saisine est la date de réception par l’autorité chargée de la notification ou de la signification.
Selon la chancellerie, l'autorité chargée de la signification serait l'huissier de justice en charge de la signification de l'acte.
Dans cette hypothèse, la date à laquelle l’huissier de justice reçoit l’acte serait pertinente pour déterminer la date de la saisine de la juridiction en matière de litispendance européenne.
Il convient de veiller à avoir une trace de la date de la réception de l’acte par l’huissier de justice.
Dans une affaire où deux juridictions étaient saisies à la même date, la jurisprudence a eu l’occasion de rappeler qu’il incombait à la partie invoquant l’exception de litispendance de prouver l’heure à laquelle elle a saisi la juridiction dont elle revendiquait la compétence (Cass. 1er civ. 11 juin 2008 n° 06-20.042, Bull. civ. I. n° 165).
- LA LITISPENDANCE ENTRE LA JURIDICTION FRANCAISE ET UNE JURIDICTION D’UN ETAT TIERS
Sur la question de la litispendance avec un Etat tiers, le Règlement communautaire est muet ; c’est le droit français transposé à l’ordre juridique international qui s’applique.
Selon l’article 100 du Code de procédure civile si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d’office.
Les dispositions légales ne définissent pas comme c'est le cas pour la litispendance intracommunautaire, la date de la saisine de la juridiction française.
En droit français, une juridiction est saisie par le placement du second original auprès du greffe de la juridiction. C'est donc le placement qui opère saisine et partant c'est la date de ce placement qui sera pertenente en cas de litispendance entre la juridiction française et celle d'un Etat tiers.
L’exception de litispendance avec un Etat tiers est plus difficile à mettre en œuvre que celle entre Etats-membres de l’Union Européenne. En effet, les conditions sont plus sévères, il ne suffit pas de démontrer que la juridiction étrangère soit saisie en premier lieu, mais encore faut-il rapporter la preuve de la régularité de la décision étrangère à intervenir. Selon la jurisprudence constante, l’exception sera irrecevable si la décision à intervenir à l’étranger n’est pas susceptible d’être reconnue en France.
Il convient donc au défendeur d’établir que les conditions d’exequatur sont remplies. A défaut d’une convention bilatérale entre la France et l’Etat tiers prévoyant les conditions de reconnaissance, ce sont les conditions d’exequatur du droit commun qui doivent être remplies.
Les conditions d’exequatur du droit commun ont été simplifiées par l’arrêt Prieur ayant abandonné le privilège de juridiction française de l’article 15 du code civil et encore allégées par l’arrêt Cornellissen qui a abandonné le contrôle de la compétence législative indirecte (cass. 1er civ. 23 mai 2006 n° 04-12.777, Bull. civ. I, n° 254 et cass. 1er civ. 20 févr. 2007 n° 05-14.082 Bull. civ. I n° 68).
Il a trois conditions qui restent : le rapport de proximité avec la juridiction saisie, absence de contrariété à l’ordre public au fond et procédural.
Comme l’exception d’incompétence, la litispendance doit être soulevée in limine litis, c’est-à-dire avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. En matière de divorce, elle doit être soulevée avant toute tentative de conciliation.
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