C.A. Pau du 17 octobre 2023

 

La Cour d’Appel de Pau a prononcé la nullité de l’acte introductif d’instance ainsi que celle subséquente de l’ordonnance rendue par la juge aux affaires familiales, statuant en sa qualité de juge de la mise en état, du Tribunal Judiciaire de Pau.

 

Dans cette affaire une épouse obtient le 11 juillet 2022 une date d’audience fixée le 28 novembre 2022 pour assigner en divorce son époux, résidant à Dubaï.

 

L’assignation est signifiée le 13 octobre 2022.

 

Le jour de l’audience, le mari n’est pas présent ni représenté.

 

Le 12 décembre 2022, le juge aux affaires familiales rend une ordonnance fixant les mesures provisoires concernant les enfants et les époux.

 

Il va de soit que dans la mesure où les droits de la défense n’ont pas été respectés, il y avait de fortes chances qu’en raison de cette irrégularité la décision ne pouvait qu'encourir  l’annulation d’une façon ou d’une autre.

 

Néanmoins, selon la jurisprudence constante, la Cour d’Appel qui annule un jugement, pour un motif autre que l’irrégularité de l’acte introductif d’instance , est en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, tenue de statuer sur le fond de l’affaire ».

 

En l’espèce, le mari sollicitant l’annulation de l’acte introductif d’instance, a notamment fait valoir que, résidant à l’étranger, il n’a pas bénéficié du délai augmenté prévu par l’article 643 du code de procédure civile qui stipule :

 

Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de tierce opposition dans l‘hypothèse prévue à l’article 586 al. 3, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de

 

1° un mois pour les personnes qui demeurent,t en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à la Réunion, à Mayotte, à Saint Barthélémy, à Saint Martin, à Saint-Pierre-et Miquelon, en Polynésie française, et dans les îles Wallis-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les terres australes et antarctiques française,

 

2° deux mois pour celles qui demeurent à l’étranger.

 

L’épouse s’opposait à la demande en faisant valoir deux moyens :

 

- les textes légaux ne feraient état d’aucun délai de comparution devant le juge aux affaires familiales de sorte que les dispositions quant à la prorogation du délai de deux mois n’avaient pas vocation à s’appliquer ;

 

- le délai de deux mois aurait été respecté dès lors que la saisine du juge aux affaires familiales était intervenue le 11 juillet 2022 pour une audience du 28 novembre 2022, soit plus de quatre mois après sa saisine.

 

Cette argumentation n’a pas été retenue par la Cour qui rappelle que le délai de comparution correspond au délai pour se présenter ou se faire représenter devant la juridiction après la formation de la demande.

 

Ainsi le délai de représentation de 15 jours indiqué dans l’ assignation qui, en plus doit contenir depuis la reforme une date d’audience, constitue bien un délai de comparution au sens de l’articel 643 du code de procédure civile.

 

Dès lors le mari résidant effectivement à l’étranger, et plus précisément à  Dubaï, le délai de comparution était de deux mois + 15 jours.

 

En conséquence, l’assignation ayant été délivrée le 13 octobre 2022 pour une audience fixée le 28 novembre 2022, soit un mois et 15 jours plus tard, ne respecte donc pas le délai prévu à l’article 643 du code de procédure civile.

 

L’épouse soutenait cependant que son époux aurait eu connaissance de l’assignation pour avoir été communiquée en projet dans une autre procédure.

 

Selon la Cour, le non respect du délai de comparution ne peut être régularisé par la connaissance officieuse qu’aurait pu avoir le destinataire de la teneur de l’acte.

 

De même, seule la délivrance de l’assignation qui donne connaissance au défendeur de manière officielle des demandes formulées contre lui, fait courir le délai.

 

S’agissant d’un vice de forme, la nullité ne pouvait être encourue qu’en démontrant un grief.

 

Le grief étant démontré puisque le mari a été condamné à des mesures financières exécutoires par provision sans avoir eu la possibilité de se défendre de sorte que le principe du contradictoire n’a pas été respecté.

 

En conséquence l’acte introductif d’instance du 13 octobre 2022 a été annulé ainsi que l’ordonnance subséquente.

 

Conseil pratique : Dans des affaires où l’assignation doit être signifiée à l’étranger, l’avocat a intérêt à se renseigner avant même l’obtention de la date d’audience sur l’existence ou l’absence de convention internationale ou bilatérale organisant la signification, pour pouvoir donner des instructions précises au commissaire de justice dès l’obtention de cette même date. Dans les rapports avec les États tels que les Émirats- Arabes-Unis, il est même conseillé de faire une signification directe pour être sûr que l’acte sera délivré au défendeur et en temps et en heures.