Selon une jurisprudence bien établie, le juge administratif opère une distinction importante entre les dommages accidentels et les dommages permanents causés par un ouvrage public. En effet en cas de dommages permanents causés par un ouvrage public, seul le préjudice grave et spécial est indemnisable. En revanche, tous les préjudices directement causés par un ouvrage public sont indemnisable lorsqu’ils sont rattachés à des dommages dits accidentels.

 

Or ce n’est que récemment que le Conseil d’Etat a apporté des précisions quant à cette notion de dommage accidentel opérant un contrôle de cassation sur la qualification juridique dudit dommage : dommage accidentel ou dommage permanent.

C’est ainsi que dans une décision de 2019 (CE, 10 avril 2019, Compagnie nationale du Rhône, n°411961), le Conseil d’Etat a retenu la qualification de dommage accidentel pour un dommage lié au fonctionnement d’un ouvrage public dans de mauvaises conditions. En l’espèce, il s’agissait d’opérations de chasse d’eau réalisées par la société EDF. Pour retenir le caractère accidentel des dommages causés par ces opérations, le Conseil d’Etat a relevé que la précédente opération de chasse datait de plus de 4 ans ce qui avait pour conséquence une accumulation importante de sédiments à un moment où le débit du fleuve diminuait ce qui augmentait les risques d’envasement des installations situées en aval.

Dans une décision rendue le 8 février dernier (CE, 8 février 2022, n°453105), le Conseil d’Etat va encore plus loin et apporte une définition de la notion de dommage accidentel dans un considérant de principe clair quant aux règles d’indemnisation d’un dommage causé par un ouvrage public :

« Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel. »

Ce considérant commence par un rappel des règles d’indemnisation en cas de dommages causés par un ouvrage public :

- l’application d’un régime de responsabilité sans faute pour les dommages d’ouvrages publics causés aux tiers,

- la possibilité d’être exonéré de sa responsabilité en cas de faute de la victime ou force majeure,

- la preuve non nécessaire par la victime du caractère grave et spécial du préjudice qu’elle subit lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

 

Il pose le principe selon lequel le dommage présente un caractère accidentel lorsqu’il n’est pas inhérent à l’existence ou au fonctionnement de l’ouvrage.

Or, le Conseil d’Etat relève en l’espèce que le dommage subi par le tiers trouve sa cause dans la poussée exercée sur le mur de clôture de sa propriété par les terres remblayées par une commune pour permettre la réalisation du parking d’une maison de santé. Il souligne que ces dommages résultent de l’absence d’un dispositif de soutènement des remblais et ne sont donc pas inhérents à l’existence ou au fonctionnement de la maison de la santé ou de son parking. Il retient alors le caractère accidentel desdits dommages et annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel qui avait retenue la qualification de dommage permanent et soumis l’indemnisation de la victime à la preuve que son dommage présentait un caractère grave et spécial.