Rarement une disposition en apparence aussi limpide du Code pénal aura suscité autant de débats. D’un côté, les tenants de la qualification de viol affirment que seule cette qualification est envisageable. De l’autre, les partisans de l’acte involontaire ayant entraîné les graves blessures du jeune Théo rejettent cette qualification pour y préférer celle de violences.

Un viol peut-il être involontaire ?

La réponse est assurément non. Le viol, défini à l’article 222-23 du Code pénal est un crime. Comme tous les crimes, il est subordonné à la démonstration de l’intention de son auteur (article 121-3 du Code pénal). La prétendue qualification de « viol involontaire » n’a été avancée que pour décrédibiliser la thèse de l’acte involontaire.

Peut-il s’agir d’un acte involontaire ?

L’acte en lui-même, un coup donné à l’aide d’une matraque téléscopique, est certainement volontaire. Mais la zone touchée par le policier était-elle la zone visée ? Le policier mis en cause affirmerait avoir voulu frapper les jambes. La difficulté sera naturellement de déduire des faits la volonté initiale de son auteur. Paradoxalement, la gravité des blessures subies par Théo pourrait être un indice de l’intention du policier de porter un coup d’autant plus violent que la partie du corps initialement visée était peu sensible. Dans ce cas, les faits pourraient être qualifiés de violences aggravées, qualification retenue à l’origine par le Parquet de Bobigny. A ce titre, la détermination de l’incapacité totale de travail de Théo, fixée pour le moment à 60 jours, n’a d’utilité que pour l’application de cette qualification. Il convient par ailleurs de relever qu’en cas d’infirmité permanente de la victime, les violences commises par une personne dépositaire de l’autorité publique sont de nature criminelle (article 222-10 du Code pénal).

L’intention sexuelle de l’auteur a-t-elle une incidence ?

En jurisprudence, la question s’est peu posée. Dans une écrasante majorité de cas, dès lors que la pénétration du sexe ou de l’anus est établie, le débat se porte plutôt sur l’absence de consentement de la victime ou la conscience qu’avait le mis en cause de cette absence de consentement. Dans l’affaire d’Aulnay-sous-bois, à supposer que l’acte de pénétration soit volontaire, pourrait-on écarter la qualification de viol au prétexte que l’auteur des faits n’avait pas d’intention sexuelle ? Pour les tenants de cette qualification, cette solution est juridiquement exclu dans la mesure où, en droit pénal, le mobile est indifférent. En d’autres termes, peu importerait la finalité sexuelle de l’acte ou la recherche de plaisir par le mis en cause. Pourtant, la chambre criminelle n’est pas hermétique à la conception subjective du viol. Dans certains arrêts, la Cour de cassation approuve ou censure les juges du fond ayant retenu la qualification de viol selon que l’acte de pénétration anale était ou non à « connotation sexuelle » ou commis dans « des circonstances de caractère sexuel » (Cass.crim, 9 décembre 1993, n°93-81044 ; Cass.crim, 6 décembre 1995, n°95-84811). Dans l’arrêt de 1995, il avait été considéré que la nature sexuelle de la pénétration anale par un manche de pioche était démontrée par l’apposition sur l’objet d’un préservatif. Il a pu être considéré que la chambre criminelle était revenue sur cette conception subjective dans un arrêt du 21 février 2007 (n°06-89543) dans lequel la Haute juridiction refusait la qualification de viol à l’introduction dans la bouche d’un objet de forme phallique recouvert d’un préservatif. Rien n’est moins sûr. En l’espèce, si l’intention du mis en cause était indéniable sexuelle, c’est l’intromission de l’objet qui ne l’était, en l’absence de pénétration soit par un sexe masculin, soit dans un sexe féminin ou dans l’anus.

Peut-il s’agir d’actes de torture ?

Là encore, la qualification serait de nature criminelle (articles 222-1 et 222-3, voire 222-5 du Code pénal). Cette infraction se définit comme un ou plusieurs actes d’une gravité exceptionnelle occasionnant à la victime une douleur ou une souffrance aiguë. L’intention est caractérisée par la volonté de nier en la victime la dignité de la personne humaine.

Aucune des qualifications ci-dessus envisagées ne mérite a priori d’être écartée, ce qui, loin des débats médiatiques, permet de comprendre tout l’intérêt de l’information judiciaire.