Par un arrêt en date du 6 mars 2018 (n°17-81017, non publié au Bulletin), la chambre criminelle de la Cour de cassation s’intéresse au sort des tiers de bonne foi dont les biens ont été confisqués par la juridiction de jugement.

En l’espèce, deux individus sont mis en examen dans une première affaire d’attaque à main armée. Des sommes d’argent sont saisies à leurs domiciles respectifs et placées sous scellés. Soupçonnés d’une seconde attaque, ils sont mis en examen du chef de ce nouveau crime. Les deux mis en examen bénéficient d’un non-lieu dans la première affaire dont les véritables auteurs sont jugés par une cour d’assises qui prononce la confiscation des scellés, sans distinguer les sommes saisies chez les mis en cause ayant obtenu un non-lieu. En revanche, les deux individus sont condamnés dans la seconde affaire par deux juridictions répressives qui prononcent la confiscation des scellés joints à cette procédure.

En d’autres termes, les sommes saisies chez les deux mis en cause sont restées attachées à la première procédure et ont été finalement confisquées alors qu’elles auraient dû être transférées dans la seconde procédure, unique affaire dans laquelle ils restaient impliqués.

Une société, assureur de la société victime et subrogée dans ses droits, présente une requête en restitution des sommes au procureur général sur le fondement de l’article 41-4 du code de procédure pénale à la suite des arrêts relatifs à la seconde affaire. Aux termes de cette disposition, le ministère public est compétent pour statuer sur la restitution des objets saisis lorsque la juridiction de jugement a épuisé sa compétence sans avoir statué sur ce point. Suite au rejet de cette demande par le procureur général, la société demanderesse saisit la chambre de l’instruction.

Cette dernière juridiction, tout en relevant le caractère légitime de la requête, la rejette en constatant que la société victime était également partie civile lors du jugement de la première affaire et n’avait formulé aucune demande relative aux scellés. Dans ces conditions, la société demanderesse, subrogée dans les droits de la partie civile, ne pouvait soutenir que cet arrêt lui était inopposable.

A l’appui de son pourvoi, la société requérante invoque notamment un principe énoncé par la chambre criminelle elle-même dans un arrêt du 20 mai 2015 (n°14-81741, Bull. n°121) relatif à l’application de l’article 710 du code de procédure pénale : « doit être examinée (…) la requête de toute personne non condamnée pénalement qui est propriétaire d’un bien et qui soulève des incidents contentieux relatifs à l’exécution d’une décision pénale ordonnant la confiscation de ce bien ». Dans cet arrêt, la Haute juridiction désapprouvait une cour d’appel d’avoir rejeté la demande d’un tiers au motif que le bien revendiqué avait été confisqué par une décision définitive s’appliquant erga omnes. Pour la Cour de cassation, un tiers de bonne foi peut donc, même après une décision définitive de confiscation, solliciter la restitution du bien dont il est propriétaire.

Au lieu de faire sien l’argument tiré de l’absence de demande de restitution devant la Cour d’assises ayant jugé l’affaire dans laquelle les sommes ont été finalement confisquées, la chambre criminelle critique la chambre de l’instruction et relève que c’est à l’autorité judiciaire et non à la victime de veiller à ce que les scellés soient rattachés à la bonne procédure et ne soient pas confisqués par une juridiction incompétente.

Néanmoins, la Haute juridiction approuve la chambre de l’instruction d’avoir rejeté la demande « motif pris de l’autorité de la chose jugée ».

Elle affirme que « lorsque la décision par laquelle la juridiction répressive a ordonné, fût-ce par erreur, la confiscation d’objets placés sous main de justice a acquis un caractère définitif, l’autorité de la chose jugée fait obstacle à l’action en restitution du légitime propriétaire fondée sur l’article 41-4 du code de procédure pénale ».

Elle ajoute que dès lors, seule peut « être recherchée, le cas échéant, la responsabilité de l’Etat du chef d’un éventuel dysfonctionnement du service public de la justice, action qui est de la compétence de la seule juridiction civile ».

La formulation générale de la chambre criminelle ne doit pas conduire à une interprétation extensive de sa solution.

En effet, il faut espérer qu’en affirmant que, du fait de l’autorité de la chose jugée attachée à une décision de confiscation définitive, seule peut être engagée une action en responsabilité de l’Etat, la chambre criminelle n’entende pas revenir sur la possibilité offerte par l’article 710 du code de procédure pénale d’obtenir la restitution d’un bien ayant pourtant fait l’objet d’une confiscation définitive (notamment déjà cité, Crim, 20 mai 2015, n°14-81741, Bull. n°121).

Il est vrai qu’en l’espèce la procédure de l’article 710 du Code de procédure pénale n’était pas envisageable dès lors qu’il aurait fallu ignorer la difficulté d’origine, à savoir que les biens avaient été confisqués par une juridiction incompétente, qui plus est dans une affaire où la société victime était partie civile. On ne pouvait donc logiquement pas demander à cette juridiction incompétente de statuer sur une difficulté d’exécution d’une confiscation qu’elle n’aurait jamais dû prononcer.

Dans ces conditions, il est compréhensible que la Cour de cassation n’envisage pas d’autre issue que l’action en responsabilité de l’Etat. Cette solution liée à l’espèce ne doit pas conduire à conclure que face à une décision de confiscation définitive de son bien, le tiers propriétaire ne dispose que de cette seule voie de recours.

Si un doute subsiste quant à l’interprétation de cet arrêt, c’est que pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation aurait pu se contenter de constater que la procédure de l’article 41-4 du code de procédure pénale était inapplicable en l’espèce. En effet, cette disposition s’applique lorsque la juridiction répressive a épuisé sa compétence sans statuer sur les biens placés sous main de justice. Or, dans la première affaire, elle a statué puisqu’elle les a confisqués, « fût-ce par erreur », et dans la seconde affaire, elle n’a pas omis de statuer puisque les sommes saisies ne se trouvaient pas parmi les scellés.

L’absence de publication au bulletin permet certainement de retenir une interprétation minimaliste qui laisse intacte la procédure de l’article 710 du code de procédure pénale.