Dans un arrêt en date du 27 juin 2018 (pourvoi n°17-82467), la Chambre criminelle de la cour de cassation rappelle une nouvelle fois que le prévenu ne peut plaider pour ses co-indivisaires afin d’éviter la confiscation de leur part dans le bien confisqué.
En l’espèce, un individu est condamné notamment pour des faits de trafic de stupéfiants. La cour d’appel ordonne la confiscation d’un immeuble indivis appartenant pour moitié au condamné et pour moitié à son épouse. Il se pourvoit en cassation.
Les trois branches du moyen soulevé par le requérant ont trait à la violation par la cour d’appel du droit de propriété de son épouse.
En effet, tout en reconnaissant la faculté pour la juridiction de jugement de prononcer la peine de confiscation de patrimoine en matière d’infractions à la législation sur les stupéfiants (art.222-49 Code pénal), le requérant critique les effets de la peine de confiscation sur son épouse.
Il rappelle que cette dernière est tiers à la procédure et que la cour d’appel ne s’est à aucun moment expliqué ni sur la bonne foi de ce tiers, ni même, de manière générale, sur son droit de propriété sur le bien immobilier confisqué.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation déclare le moyen irrecevable en rappelant que « le demandeur n’a pas qualité pour contester la confiscation de la part indivise de son épouse dans l’immeuble confisqué, seule celle-ci pouvant établir qu’elle est propriétaire de bonne foi ».
Bien qu’elle ne soit ni nouvelle, ni surprenante, la solution de cet arrêt présente néanmoins un intérêt certain.
La Haute juridiction avait déjà relevé, dans une affaire relative à une saisie pénale immobilière, l’irrecevabilité d’un moyen consistant à invoquer les droits des autres propriétaires indivis (Crim., 15 mars 2017, n°16-80801, publié au Bulletin). De même, n’ont pas qualité pour exercer un recours contre une ordonnance de saisie pénale immobilière les associés et titulaires de parts d’une société civile immobilière dès lors que seule cette dernière est propriétaire du bien saisi pénalement (Crim., 3 mai 2018, n°16-87534, publié au Bulletin).
En outre, la règle bien connue des civilistes selon laquelle « Nul en France ne plaide par procureur » suffit à comprendre la logique de la décision de la Cour de cassation. En effet, en l’espèce, l’argumentation du prévenu est uniquement fondée sur le droit de propriété dont dispose son épouse sur le bien confisqué alors qu’il ne justifie en rien avoir reçu mandat de celle-ci pour solliciter la restitution à sa place (sur la possibilité de donner mandat à un tiers de présenter une requête en restitution : Crim., 20 mai 2015, n°14-81147). D’un point de vue purement stratégique, il serait en tout état de cause peu pertinent de faire du prévenu déclaré coupable l’avocat d’un tiers prétendument de bonne foi.
Il appartient donc au tiers propriétaire ou copropriétaire de faire valoir lui-même ses droits en Justice en intervenant à l’instance pénale.
Pour logique qu’elle soit juridiquement, cette solution paraît assez peu naturelle pour au moins deux raisons.
En premier lieu, les juridictions pénales sont réticentes au principe de l’intervention volontaire, au point qu’elles ont parfois tendance à déclarer à tort une demande irrecevable au prétexte d’un « formalisme » particulier (Crim., 15 janvier 2014, n°13-81874, publié au Bulletin) ou à mal articuler la possibilité ou l’obligation de prononcer la peine de confiscation d’un bien et les droits d’un tiers sur ce même bien (Crim., 13 avril 1999, n°97-85443, publié au Bulletin ; Crim., 22 janvier 2013, n°12-81046, publié au Bulletin).
En second lieu, le tiers propriétaire est tout aussi réticent à intervenir dans une procédure pénale dans laquelle, d’une part, il n’est pas mis en cause et, d’autre part, il connaît généralement un mis en cause dont les intérêts convergent avec les siens et qui serait donc susceptible de plaider leur cause commune. En l’espèce, le condamné et son épouse avaient tous deux intérêt à la restitution, fût-ce de la part de madame uniquement, du bien immobilier.
Une fois admis le principe selon lequel le tiers propriétaire ne peut compter que sur lui-même pour obtenir la restitution du bien, il convient de préciser que la voie procédurale à choisir déprendra de l’autorité compétente au moment où il formule sa demande. Il pourra donc s’agir du procureur de la République, du juge d’instruction, de la juridiction de jugement voire de la chambre de l’instruction.
En l’espèce, faute d’être intervenue lors de l’instance de jugement pour solliciter la restitution de sa part dans le bien immobilier en tant que tiers de bonne foi, l’épouse pourra saisir la cour d’appel d’une telle demande, sur le fondement de l’article 710 du Code de procédure pénale. La juridiction ne pourra se contenter de lui opposer la peine de confiscation de l’immeuble prononcée à l’occasion du jugement de l’affaire (Crim., 20 mai 2015, n°14-81741, publié au Bulletin). Elle devra examiner sa bonne foi.
Si, par ce biais, les droits du tiers à la procédure restent préservés, la situation délicate de l’épouse est due à l’absence regrettable d’obligation pour la juridiction de jugement de s’intéresser d’office à la question du droit de propriété dont peut disposer un tiers sur tout ou partie d’un bien dont la confiscation est envisagée.
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