Par un arrêt en date du 8 novembre 2017 (pourvoi n°17-82632), publié au Bulletin, la Chambre criminelle de la cour de cassation illustre la notion de « libre disposition » permettant de saisir un bien alors même qu’il n’est pas la propriété du mis en examen.

En l’espèce, au cours d’une information judiciaire ouverte notamment du chef de blanchiment en bande organisée, le juge d’instruction a ordonné la saisie pénale d’une créance détenue par une société immobilière à l’encontre de la Ville de Paris à la suite de l’expropriation d’un terrain lui appartenant. Selon le magistrat instructeur, le mis en examen, oncle d’un chef d’Etat, avait la libre disposition du bien saisi.

Aux termes de l’article 131-21, alinéa 6, du Code pénal, « lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut aussi porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ». L’article 324-7, 12° du Code pénal constitue le texte spécifique applicable en matière de blanchiment.

L’hypothèse de la « libre disposition » a été ajoutée par la loi n°2012-420 du 27 mars 2012 afin qu’il ne suffise plus au mis en cause de transmettre la propriété de son bien à un tiers pour le faire échapper à la saisie pénale et, in fine, à la peine complémentaire de confiscation.

Dans la présente affaire, tant le mis en examen que la société immobilière contestaient le bien fondé de la saisie pénale, affirmant tous deux que le premier n’était ni le propriétaire ni une personne ayant la libre disposition du bien appartenant à la seconde.

Non sans ironie, la Chambre de l’instruction relevait tout d’abord que, par son appel visant à démontrer qu’il n’avait aucun lien avec la créance saisie, le mis en examen démontrait « son intérêt direct et personnel quant à cette créance ». Il est vrai qu’en tout logique, seule la société immobilière, en qualité de propriétaire de bonne foi, aurait dû contester cette saisie qui ne préjudiciait qu’à elle.

Sur le fond, la chambre de l’instruction validait la saisie en faisant valoir que le mis en examen était le véritable ayant droit économique du patrimoine immobilier concerné et que l’existence de sociétés immobilières et de prête-noms n’avait vocation qu’à dissimuler cette réalité.

A l’appui de leur pourvoi, le mis en examen et la société exposaient notamment que les saisies de patrimoine ne pouvaient porter que sur des biens dont le mis en examen était propriétaire ou avait la libre disposition, cette dernière notion s’entendant de « la capacité juridique à disposer du bien considéré ». Or, force était de constater l’absence totale de lien juridique entre la société détentrice de la créance et le mis en examen, ce dernier n’étant ni associé, ni dirigeant, ni administrateur de ladite société.

S’appuyant sur les constatations souveraines des juges du fond, la chambre criminelle rejette le pourvoi dès lors que « le recours à l’interposition d’une société immobilière entre la personne mise en examen et son patrimoine immobilier ainsi qu’à des prête-noms de l’entourage familial pour exercer les fonctions ou les rôles de dirigeant de droit, d’administrateurs et d’associés, joint à une gestion de fait de la société par l’intéressé (…) suffisent à caractériser la libre disposition ».