Plusieurs réformes sont intervenues en la matière pour multiplier les contrôles routiers et ainsi faciliter l’appréhension des automobilistes conduisant sous l’emprise de stupéfiants.

I- Les contours du délit de conduite sous l’emprise de stupéfiant 

° La définition du délit de conduite sous l'emprise de stupéfiants

L’article L235-1 du Code de la route dispose que :

« Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu'il résulte d'une analyse sanguine ou salivaire qu'elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende»

A la lecture de la loi, il apparait que le conducteur doit seulement avoir fait usage de produits stupéfiants avant de prendre le volant. En effet, contrairement à la conduite sous l’empire d’un état alcoolique, la conduite sous l’emprise de stupéfiant réprime le seul fait d’avoir fait usage de produits stupéfiants sans forcément que l’automobiliste en soit encore sous l’influence.  

Ainsi, la consommation de stupéfiants peut être ancienne. Néanmoins, si l’analyse démontre la présente dans la salive ou dans le sang, l’automobiliste pourra être poursuivi de ce chef. En tout état de cause, les simples aveux de la personne ne suffiront pas à entrainer des poursuites et encore moins une condamnation.

Cette disposition vise la consommation de 4 familles de stupéfiants : les opiacés, le cannabis, les amphétamines et la cocaïne.

° La procédure de conduite sous stupéfiants : de l’interpellation à la comparution devant le Tribunal

Pour qu’un dépistage de produits stupéfiants soit réalisé, il faut que les forces de l’ordre constate : 

-       La survenance d’un accident mortel de la circulation, un accident ayant occasionné des dommages corporels ou un accident matériel

-       Une infraction préalable

-       Lorsqu’il existe à l’encontre du conducteur une raison plausible de soupçonner qu’elle a consommé des stupéfiants (yeux rouges, pupilles dilatées, état somnolent)

Lors de l’interpellation, les forces de police vont réaliser dans un premier temps un dépistage salivaire. Si le test salivaire est positif et uniquement dans ce cas, les forces de police vont poursuivre leur investigation afin d’établir la consommation de stupéfiant. 

Si le refus de subir le dépistage ne constitue pas une infraction pénale, ce refus permet aux forces de l’ordre de procéder aux vérifications destinées à prouver la consommation de stupéfiants qui elles sont punissables pénalement des mêmes peines que la conduite sous stupéfiants. 

Il est important de préciser que la simple étape du dépistage peut donner lieu à la confiscation immédiate "rétention admi istrative" du permis par les forces de l’ordre d’une durée de 72 heures. 

Dans cette hypothèse, il est alors remis au titulaire du permis de conduire, un avis de rétention qui reprend l’ensemble des informations relatives au contrôle ainsi que le service compétent détenant son permis afin qu’il puisse à l’échéance des 72 heures le récupérer.

Durant ce délai de 72 heures, le préfet à la possibilité de prendre un avis de suspension qui peut durer jusqu’à 6 mois. Cet avis de suspension doit nécessairement être notifié à la personne. Toutefois, l’avis de suspension n’a pas être notifié dans le délai de 72 heures. Ce délai de 72 heures est le délai pendant lequel le préfet doit rédiger l’avis de suspension.

Néanmoins, une fois que le délai de 72 heures est échu et si la personne n’a pas reçu notification d’un avis de suspension, le conducteur pourra récupérer son permis et incidemment son droit de pouvoir conduire à nouveau son véhicule. 

Lorsque le préfet prend à l’encontre de la personne mise en cause un avis de suspension, il est seulement possible de contester cette décision en formant un recours gracieux ou un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif. Cependant, en pratique, compte tenu des délais, la personne mise en cause aura probablement déjà effectué sa suspension administrative avant d’obtenir le délibéré.

D’autant que le fait de ne pas respecter la décision de suspension administrative est constitutif d’un nouveau délit.

Parallèlement, les opérations de vérifications visant à établir la preuve de la consommation de stupéfiants ont pu se poursuivre. Elles sont constituées par : 

  • Analyse biologique du prélèvement salivaire ou sanguin.
  • Examen clinique en cas de prélèvement sanguin

Depuis la réforme de 2019, les forces de police ont pris l’habitude de faire renoncer par anticipation (avant d’avoir reçu les résultats des prélèvements) les automobilistes à leur droit de pouvoir bénéficier d’un nouvel examen sanguin. 

Or, il est crucial pour la suite de la procédure de se réserver ce droit de pouvoir solliciter cette contre-expertise en cochant la case « je me réserve le droit de solliciter …»

En dernier lieu, il faut savoir que le procureur de la république peut décider d’immobiliser votre véhicule voire de le placer sous scellé jusqu’à la comparution devant le tribunal qui se chargera de prononcer éventuellement la confiscation. Ces mesures permettent à l’autorité judicaire d’éviter une éventuelle cession du véhicule.

° Les peines encourues en matière de conduite sous stupéfiants 

La conduite sous l’emprise de stupéfiant constitue un délit jugé le Tribunal correctionnel.  

Les peines encourues à titre de peine principale : 

  • Jusqu’à 2 ans d’emprisonnement,
  • Jusqu’à 4 500 euros d’amende,

Peine complémentaire :

  • Suspension du permis pouvant aller jusqu’à 3 ans, 
  • Annulation du permis de conduire pouvant aller jusqu’à 3 ans 
  • Obligation d’effectuer à sa charge un stage de sensibilisation à la sécurité routière 
  • Obligation de suivre un stage sur les dangers de la consommation de stupéfiants
  • Interdiction pour 5 ans au plus de conduire un véhicule 
  • Travail d’intérêt général

A noter que pour les infractions relatives à la conduite avec des stupéfiants, il n’existe aucune possibilité d’aménager la suspension du permis de conduire pour des motifs professionnels ou personnel ni même d’assortir cette peine d’un sursis. 

Sanction administrative :

  • Retrait de 6 points sur le permis de conduire dès que la personne est condamnée pénalement 

Les peines pour le délit de conduite sous l’emprise de stupéfiants commis en état de récidive: 

Peine principale 

  • 4 ans d’emprisonnement 
  • 9 000 euros d’amende en état de récidive

Peine complémentaire 

  • Annulation automatique du permis de conduire avec interdiction d’en solliciter la délivrance pendant une durée de 3 ans au plus 
  • Confiscation obligatoire du véhicule sauf décision spécialement motivée
  • Immobilisation du véhicule dont la personne s’est servie pour commettre l’infraction 
  • Stage de sensibilisation à la sécurité routière

Par ailleurs, si la personne interpellée se trouvait également sous l’empire d’un état alcoolique ces peines sont portées à 3 ans et 9000 euros d’amende.

Il faut également rappeler que les peines prononcées pour conduite sous l’emprise de stupéfiant font l’objet d’une mention sur le bulletin numéro 2 du casier judiciaire qui est accessible par l’ensemble des administrations.

II- Le rôle de l’avocat dans la défense de l’automobiliste

° Le devoir d’analyse du dossier pénal 

Dès que son client est poursuivi et convoqué en justice, l’avocat a le droit d’accéder au dossier pénal qu’il sollicite auprès du greffe compétent. 

Le dossier pénal étant constitué par l’ensemble des procès-verbaux ayant été dressés pendant la phase de l’enquête par les policiers, il est particulièrement intéressant pour l’avocat d’en prendre connaissance. 

L’avocat pourra consulter les auditions de son client, le procès-verbal de constat d’infraction, le procès-verbal de notification des droits en garde à vue, le procès-verbal de notification des résultats du prélèvement, le rapport d’analyse du laboratoire etc.

En effet, l’avocat devra s’attacher à vérifier que l’automobiliste a bien été informé des résultats du prélèvement et qu’il lui a bien été précisé, par procès-verbal, qu’il pouvait ultérieurement solliciter cette contre-expertise. Comme énoncé précédemment, il est essentiel de ne pas renoncer par anticipation à ce droit à la contre-expertise.

Ainsi, en sollicitant la contre-expertise, l’automobiliste use de son droit à ce que le prélèvement sanguin ou salivaire soit examiné une seconde fois et par un autre expert. Cette possibilité, offerte par la loi à l’automobiliste, lui permet de s’assurer de la fiabilité de la première expertise et d’éviter le risque d’erreur.

A cet égard, conformément à la loi, l’avocat devra bien vérifier qu’un autre expert soit désigné pour analyser le deuxième prélèvement. A défaut, si le même expert se prononce sur le même prélèvement, l’avocat devra contester la régularité de la procédure. 

Par ailleurs, la jurisprudence n’a eu de cesse de rappeler que l’automobiliste doit être informé du résultat du prélèvement salivaire ou sanguin effectué sur sa personne afin de pouvoir contester ces résultats (CA Paris 6 septembre 2015). 

Si l’avocat devra également vérifier que si l’automobiliste a manifesté son souhait de pouvoir bénéficier de la contre-expertise du prélèvement salivaire ou sanguin et que ce nouvel examen n’a pu être ordonné, il devra faire valoir cet argument car les poursuites ne pourront être maintenues. En effet, si le flacon a été détruit ou si l’analyse n’a pu être réalisé pour une toute autre raison, l’automobiliste devra être relaxé (CA VERSAILLES 4 novembre 2015, RG 14/03273, CA Paris 1er octobre 2010 (RG 14/03903)

Plus de 120 points de légalité sont à vérifier par l’avocat pour s’assurer que la procédure a bien été respectée. Le rôle de l’avocat qui analyse le dossier de son client poursuivi pour une conduite sous l’emprise de stupéfiants est par conséquent crucial.

° Le rôle de l’avocat en droit routier à l’audience correctionnelle

Le rôle de l’avocat en droit routier à l’audience est tout aussi essentiel puisque pour faire valoir l’ensemble des points de nullité précédemment décelés, il doit déposer les conclusions de nullité qu’il aura préalablement rédiger et qu’il devra plaider. 

Si l’avocat obtient la relaxe de son client, aucune peine ne sera prononcée, le casier judiciaire ne sera pas marqué par la condamnation et les points ne seront pas retirés du permis de conduire. 

En revanche, si le Tribunal condamne la personne mise en cause, l’avocat aura la lourde mission de convaincre le tribunal de prononcer la peine la plus clémente possible.

Ainsi, après avoir recueilli des pièces de personnalité auprès de son client notamment des analyses sanguines témoignant de l’absence de consommation régulière de stupéfiants, il devra présenter tous les arguments tant juridiques que factuels destinés à défendre au mieux la personne mise en cause.

De ce fait, si une peine d’emprisonnement a été requise par le procureur il pourra proposer qu’une mesure alternative à l’emprisonnement soit prononcée. Ainsi, il pourra suggérer la mise en place d’un sursis avec une mise à l’épreuve comprenant une obligation de soins (réalisation d’analyses sanguines et suivi par un addictologue). 

L’avocat, conscient que le permis de conduire est l’instrument de travail de son client, aura à cœur de préserver le titre de conduire. Pour cela, il pourra proposer des peines alternatives et convaincre le tribunal que la personne mise en cause a un besoin impérieux de disposer de son droit de conduire. 

L’avocat pourra également demander que le tribunal dispense son client d’une mention sur le casier judiciaire car ce dernier dispose d’un motif légitime (exemple travaille dans une zone aéroportuaire ou avec des enfants). 

En matière de récidive, l’avocat devra tenter d’obtenir la durée d’interdiction pour repasser le permis la plus brève possible. 

Une fois le délibéré prononcé, l’avocat se tiendra aux côtés de son client pour lui expliquer les termes de la décision prononcée. Il lui précisera, à ce titre, qu’il dispose d’un délai de 10 jours pour faire appel du jugement, s’il le juge opportun

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En tout état de cause, des solutions sont possibles pour éviter que la commission de cette infraction de conduite sous stupéfiants ne produise de trop lourdes conséquences sur votre activité professionnelle et votre vie personnelle.

Michel Benezra, avocat associé
BENEZRA AVOCATS

Droit Routier & Dommages Corporels

https://www.benezra.fr 0145240040 / info@benezra.fr

EN SAVOIR + :

° CONVOQUÉ POUR STUPÉFIANTS EN CRPC

° LA PROCÉDURE EN DÉTAIL DU DÉLIT DE CONDUITE SOUS L'EMPRISE DE STUPÉFIANTS