Dans son arrêt du 7 février 2018 (n°16-24.481), la Chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur la nature du manquement grave justifiant la réunion des patrimoines affecté et personnel d’un Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée (EIRL) dans le cadre d’une procédure collective.
Institution créée par la loi du 15 juin 2010, l’EIRL permet à tout entrepreneur individuel d’affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale (article L. 526-6 du Code de commerce).
La constitution de ce patrimoine s’effectue par une déclaration d’affectation, précisant les éléments affectés à ce dernier, auprès du service administratif selon l’activité exercée. Il s’agira, pour l’activité commerciale, du greffe du Tribunal de commerce du lieu d’établissement de l’entrepreneur individuel.
Ce mécanisme permet donc, en principe, à l’entrepreneur individuel de protéger son patrimoine personnel des poursuites des créanciers professionnels.
Or, en cas d’ouverture de procédure collective à l’encontre de l’entrepreneur individuel, le législateur a prévu des situations autorisant la réunion des patrimoines (article L. 621-2 du Code de commerce), savoir, en présence :
- de confusion des patrimoines ;
- de manquement grave à l’article L. 526-6 alinéa 2 du Code de commerce, définissant le contenu du patrimoine affecté ;
- de manquement grave aux règles comptables de l’article L. 526-13 du même Code ;
- et, de fraude à l’égard d’un créancier titulaire d’un droit de gage général sur le patrimoine objet de la procédure collective.
A l’occasion de l’arrêt commenté, la Cour de cassation a précisé quel pouvait être ce manquement grave à l’article L. 526-2 aliéna 2 du Code de commerce.
En l’espèce, l’entrepreneur individuel, après avoir déposé une déclaration d’affection du patrimoine pour exercer, en qualité d’entrepreneur individuel à responsabilité limité, une activité de vente ambulante de boissons, a fait l’objet d’une procédure collective.
Le liquidateur a sollicité la réunion des patrimoines, faute pour l’entrepreneur d’avoir donné dans sa déclaration d’affectation de quelconques précisions quant aux éléments affectés à son activité professionnelle (cette déclaration ayant été acceptée par le greffe) ; demande le liquidateur a été débouté par les juges du fond.
La Cour de cassation censure ces derniers, en considérant « qu’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée doit affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel et que la constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d’une déclaration devant comporter un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectées à l’activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur ; que le dépôt d’une déclaration ne mentionnant aucun de ces éléments constitue en conséquence un manquement grave, de nature à justifier la réunion des patrimoines. »
Le détail des éléments affectés au patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel ne devrait donc pas être négligé au moment du dépôt de la déclaration d’affectation au risque de voir son patrimoine personnel exposé aux poursuites des créanciers professionnels.
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