UN EURO COTISE RAPPORTERA LES MEMES DROITS A TOUS
Ce slogan inscrit au fronton du projet de réforme des retraites est faux.
Ce qui est proposé c’est un régime par points.
Dans un régime par points, mécaniquement et structurellement, le montant de la retraite est calculé sur la base de points acquis par des cotisations qui sont proportionnelles aux revenus.
Donc mécaniquement la retraite sera proportionnelle aux revenus de sorte que ceux qui ont eu de gros revenus auront une bonne retraite et ceux qui auront eu des revenus insuffisants, qui auront eu une carrière hachée par des périodes de chômage, d’inactivité, d’arrêt pour élever des enfants, de conjoint collaborateur, de maladie n’auront pas acquis suffisamment de points et auront une retraite dérisoire.
Tel est l’effet mécanique du régime par points.
Comme disait le personnage de Salluste incarné par Louis de Funès dans « La folie des Grandeurs» :
« Les pauvres c’est fait pour être très pauvres et les riches très riches ! »
Le Haut-Commissaire est très conscient de cet effet pervers puisqu’il propose de contrebalancer cette iniquité mécanique inhérente au système par points par l’attribution dans le cas des seconds de « points de solidarité », autrement dit de points gratuits.
Et c’est là que le slogan « un euro cotisé rapportera les mêmes droits à tous » est faux, d’abord parce que ce n’est même pas souhaitable et ce n’est pas souhaitable parce que justement il faut tenir compte de la spécificité des différentes situations.
UN REGIME UNIVERSEL
Le seul pays au monde qui connaisse un régime universel est la Corée du Nord.
Le problème d’un système universel est qu’il se propose de placer dans une situation d’égalité forcée des situations très différentes.
Certaines professions ont un facteur de pénibilité, d’autres acceptent le principe d’un départ plus ou moins anticipé ou tardif à la retraite, certains régimes ont une démographie plus ou moins favorable, des niveaux de cotisations qui leur sont propres et qui sont adaptés à leur modèle économique.
Le projet de réforme affirme le principe d’égalité mais cette affirmation, elle aussi est fausse.
Pour s’en convaincre il suffit de parcourir le rapport Delevoye pour constater que dans un périmètre qualifié de « régime universel » il y aura différent systèmes applicables en fonction des situations très différentes de professions à qui on va imposer une forme de torsion de leur régime pour tendre fictivement vers une universalité qui n’est ni utile ni souhaitable en bouleversant sans nécessité l’équilibre économique des différentes activités.
- Les salariés perdront le bénéfice d’une retraite calculée selon un régime par annuités sur les 25 meilleures années ; le système par points va mécaniquement obliger à travailler plus longtemps
- Les fonctionnaires perdront le bénéfice d’une retraite calculée sur les 6 derniers mois Les primes seront assujetties à cotisation, ce qui défavorisera ceux qui n'en perçoivent pas ou peu (enseignants) et engendrera un surcoût de cotisaitons à la charge de l'Etat
- Les indépendants subiront une hausse faramineuse et non compensée de leurs cotisations avec une dégradation de leurs droits à retraite et la perte de la possibilité de cotiser à des caisses excédentaires qui leur sont propres
Par conséquent le régime envisagé par la réforme n’aura qu’une universalité de façade parce que, avant tout, l’universalité n’est pas souhaitable.
Le plus la prise en compte, nécessaire mais au demeurant mal conçue, de différentes situations ne conduira nullement à apporter plus de simplicité au système.
UN REGIME PAR POINTS
Le système par points, outre l’effet mécanique reproduisant dans la retraite les inégalités, injustices et discriminations survenues pendant la carrière au détriment notamment des femmes et des catégories défavorisées, comme expliqué plus haut, a un autre effet pervers : l’hypocrisie de son mode de pilotage.
Dans un régime par annuité les règles sont claires, transparentes, prévisibles : une durée de cotisation et un âge légal de départ ouvrent droit à une pension de retraite dont le mode de calcul est prédéfini. Le problème est que cela oblige à des réformes paramétriques d’ajustements en cas de modification du rapport démographique, notamment liée à l’allongement de la durée de la vie.
Dans un régime par points il est possible chaque année de fixer deux valeurs
- La valeur d’achat du point : combien de points sont attribués pour un certain montant de cotisations
- La valeur de service du point : quel est le montant de la pension de retraite annuelle attribuée en contrepartie des points acquis
Diminuer la valeur de service du point, c’est clairement et immédiatement diminuer le montant des pensions. Le Haut-Commissaire promet la main sur le cœur qu’une « règle d’or » interdira la révision de cette valeur à la baisse.
Cependant
- Ce qu’une loi a posé comme principe, une autre loi peut le modifier de sorte qu’une diminution de la valeur de service du point peut toujours se faire par voie législative nonobstant toute « règle d’or »
- Il reste possible de ne pas augmenter la valeur de service du point de sorte que le niveau des pensions pourrait se dégrader par l’effet de l’inflation
- Mais surtout, l’hypocrisie réside dans le fait qu’augmenter la valeur d’achat du point, ce qu’aucune règle d’or n’interdira, conduira à cotisations constantes à attribuer moins de points et donc à terme :
- soit obliger à travailler plus longtemps
- soit imposer de percevoir une retraite dégradée par rapport à ce qu’elle aurait dû être et ce de manière totalement indolore
Un tel stratagème n’est pas possible dans un système par annuités.
De plus si la valeur d’achat et de service du point est connue pour l’année actuelle, nul ne peut dire ce qu’elle sera plusieurs décennies plus tard à l’âge effectif où un actif entendra prendre sa retraite.
Par conséquent, contrairement à ce qui est affirmé, le régime par points est beaucoup plus opaque qu’un régime par annuité dans la mesure où le nombre de points qu’on aura acquis dans plusieurs décennies ne peut être déterminé et que par voie de conséquence il n’est pas possible de se faire une idée de ce que sera la retraite de chacun.
A la question : pourquoi un régime uniquement par points plutôt qu’un système mixte cumulant par exemple des degrés par annuités pour la solidarité, par points pour la proportionnalité et par capitalisation pour garantir l’avenir il a été répondu « parce que c’est plus simple ».
Cependant démonstration est faite que la simplicité n’est pas l’efficacité.
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