#RéformedesRetraites

L’intégration des avocats au régime universel aura pour conséquence une hausse massive des cotisations liée au passage d’un taux global de cotisations de 13 à 18% selon les tranches de revenus à un taux unique de 28,12 % jusqu’à environ 40.000 € de revenu (1 plafond annuel de sécurité sociale), 12,94% sur la tranche comprise entre environ 40.000 et 120.000 € et 2,81% sur les revenus au delà de ce montant.

La moitié de la profession d’avocat gagnant moins de 40000 € elle verra son taux de cotisation doubler et leur montant augmenter massivement tout en ayant une baisse corrélative des droits à retraite.

La configuration de la profession d’avocat fait qu’elle sera durement frappée par les conséquences de la réforme telle qu’elle est conçue.

Face à ce problème le gouvernement tente de proposer des « compensations » qui en réalité n’en sont pas.

1. La CSG / CRDS

Le gouvernement propose une modification de l’assiette de la CSG qui est actuellement plus large pour les travailleurs indépendants que pour les salariés.

Il s’agit donc d’une discrimination devant les charges publiques d’une légalité douteuse et le retour à la normale ne saurait décemment être présenté comme une « compensation ».

Cette mesure ne compensera qu’à la marge la hausse des cotisations qui demeurera massive sur les plus bas revenus.

Cette mesure relève d’une loi de financement de la sécurité sociale et non de la loi de réforme des retraites, soit une promesse qui n’engage que ceux qui y croient.

Ensuite cette mesure entraînera un manque à gagner pour la sécurité sociale qu’il faudra compenser, par exemple sous la forme d’une augmentation du taux de CSG/CRDS. Sur ce point il n’y a aucune garantie que puisse donner le gouvernement.

Chaque année cette prétendue « compensation » pourrait être remise en cause par la loi de financement de la sécurité sociale.

2. La période de transition

Il a été proposé que la réforme soit mise en œuvre sur une période de 15 ans avec augmentation progressive des cotisations compensée par l’utilisation des réserves (voir ci-après).

La hausse des cotisations est bien reconnue et assumée par le gouvernement.

La caractère progressif de la hausse des cotisations résultera seulement d’une compensation par l’utilisation des réserves.

Après l’augmentation supposée progressive on aboutira à une cotisation augmentée de manière massive et non compensée.

3. L’utilisation des réserves

Les réserves sont des provisions sur prestations futures.

Ce sont des cotisations déjà payées qui n’ont pas vocation à être utilisées pour compenser des hausses de cotisations.

Elles ne peuvent avoir qu’une utilisation : garantir le paiement des retraites des avocats pour les périodes moins fastes.

Prétendre qu’on laisse ses réserves à une caisse qui n’existera plus que pour gérer par délégation le système universel pour utiliser lesdites réserves à des fins étrangères à leur destination relève d’une malhonnêteté intellectuelle particulièrement achevée.

4. Le maintien de la caisse des avocats

Ce qui est proposé c’est le maintien de la personne morale qu’est la caisse, chargée de géreruniquement par délégation le régime universel.

Elle n’aurait plus voie au chapitre

- Pour décider des taux de cotisation

- Pour décider de la valeur d’achat et de service du point

- Pour décider de l’utilisation de ses réserves

- Pour représenter les intérêts des avocats puisqu’aucun de ses représentants ne siégera au sein de la caisse universelle

Il ne s’agira donc que d’une coquille vide au rôle totalement symbolique mais dont le fonctionnement sera financé sur les deniers des avocats.

5. Le mécanisme de solidarité interne à la profession

Il s’agit d’une idée vague évoquée depuis le mois de mai 2019 consistant à faire en sorte que les hauts revenus compensent les obligations des avocats des bas revenus pour garantir l’équivalant de la retraite de base des avocats.

Cette idée vague n’a fait l’objet d’aucune proposition concrète et chiffrée du gouvernement.

En tout état de cause ce dispositif de solidarité n’apparaît pas finançable.

La retraite de base des avocats est financée par des cotisations forfaitaire et proportionnelle, la contribution équivalente aux droits de plaidoirie, assises sur des revenus allant jusqu’à plus de 7 plafonds annuels de sécurité sociale (PASS).

Or le régime universel n’est financé que par une cotisation au taux normal jusqu’à 1 PASS, à un taux réduit au-dessus de 1 PASS (environ 40000 €) jusqu’à 2 PASS (environ 120000 €) et à un taux tout à fait symbolique au delà.

Dans ces conditions il y a, de par la conception même du régime universel, un problème de financement pour mettre en place le dispositif de solidarité dont l’idée vague a été avancée.

En tout état de cause pour financer l’équivalent de la retraite de base de 17000 € garantie aux avocats au regard de la valeur du point mentionnée dans le rapport Delevoye (10€ valeur d’achat / 0,55€ valeur de service) il faudrait :

17000 / 0,55 = 30309 points

L’acquisition de 30309 points sur la période de 43 ans de carrière complète il faut 719 points par an soit une cotisation par avocat de 7190€ annuelle.

Ceci représente pour 70000 avocats un budget de 503,3 millions d’euros pour acquérir suffisamment de points pour garantir l’équivalent de la retraite de base.

Or le budget actuel du régime de base est de 326 millions d’euros (chiffre 2018).

Il y a donc un manque de financement pour un tel dispositif de solidarité.

6. Le cas « François »

Le gouvernement a tenté de faire la démonstration de la pertinence de sa réforme sur un « cas type » d’un jeune avocat prénommé « François » dont le revenu net en début de carrière serait de 43000 € et augmenterait de manière constante sur toute la carrière de la même manière que les salaires.

Les chiffres avancés par le gouvernement conduisent selon lui à une augmentation acceptable des cotisations avec une amélioration du rendement en termes de retraites.

Le problème est que le cas de François n’existe pas ou est totalement marginal.

Même à Paris les jeunes avocats ne commencent pas leur carrière avec un revenu net de 43.000 € et rares sont ceux qui pourraient atteindre ce montant en chiffre d’affaires.

La plupart des avocats ont durant leur carrière des revenus inférieurs à 40.000 € sur la totalité desquels ils paieraient dans le régime universel des cotisations au taux de 28,12%, ce qui n’est pas le cas de François, avec pour ceux-ci en termes de retraite une pension parfois inférieure à celle que garantit l’actuel régime de base.

Pour les revenus supérieurs à la barre des 40000 € on observera une diminution des cotisations d’autant plus évidente que les revenus sont élevés.

Autrement dit plus on est riche moins on paye.

Mais comme les cotisations sur les tranches supérieures sont plus modérées, là restitution en points de retraite est également moins intéressante que dans le régime actuel avec corrélativement une baisse des pensions de retraite.

C’est l’effet mécanique et le défaut du système uniquement par points et le problème central de la mauvaise conception de la réforme.

En résumé le cas « François » est tout sauf représentatif de la profession d’avocat.