En matière d’hospitalisation d’office (HO), il peut arriver qu’une exception de nullité ne soit soulevée seulement qu’en appel : cette exception serait alors irrecevable. Quoi que…

 

Introduction : l’hypothèse est celle d’un « oubli » en première instance d’une exception de procédure. L’avocat(e) obligatoire (article R3211-8 du code de la Santé publique CSP) pourrait ne pas avoir vu telle ou telle nullité, pressé(e) par le temps, le/la justiciable… Partant, seul le fond aurait été abordé. Et en appel, la nullité deviendrait irrecevable.

 

L’ABSENCE DE SINGULARITÉ DE CETTE IRRECEVABILITÉ PROCÉDURALE

Cette irrecevabilité existe déjà en procédure pénale : « les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond » – article 385, dernier alinéa, du code de procédure pénale¹. De même en droit des étrangers, une exception de procédure doit, « à peine d'irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond »².

La procédure de l’hospitalisation d’office est celle du « code de [la] procédure civile » – article R3211-7 CSP3. Et donc s’applique l’article 74, alinéa 1er CPC : « les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ».

 

MAIS LA MATIÈRE NE MÉRITE-T-ELLE PAS UNE EXCEPTION ?

Les enjeux sont ceux des « restrictions à l'exercice (des) libertés individuelles » du justiciable-patient, lesquelles restrictions « doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis » – article L3211-3 CSP. Dans l’ADN du JLD HO, les libertés publiques et fondamentales sont inscrites : « en toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée » (dito). Et le JLD, en matière d’HO, dispose de la possibilité de se saisir d’office par exemple – article L3211-12 CSP – qui plus est « à tout moment ».

N’est-ce pas contraire aux buts poursuivis, que de voir ce JLD « tout puissant » écarter en appel un moyen de procédure, alors même qu’il s’agirait d’une nullité importante ?

D’ores et déjà, en droit de l’étranger, doit être relevée « d'office » une irrégularité, par « toute juridiction, y compris la Cour de cassation », « en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles » (article L552-13 du Ceseda) : dans ce cadre, le juge judiciaire peut prononcer la mainlevée de la rétention, lorsque la violation a pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. Pourquoi n’en irait-il pas de même en droit des HO – en appel ?

 

L’APPEL NULLITÉ : UN DROIT COMMUN DE LA PROCÉDURE CIVILE – MÊME RÉNOVÉE

L’appel nullité tend à ce qu’il soit « à nouveau statué en fait et en droit » – article 561 du CPC, mais…. « dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code » (à compter du 1er septembre 2017 depuis le décret n°2017-891 du 6 mai 2017, donc sans que ne soit oublié l’article 74 du CPC, quant aux exceptions de procédure).

Cependant, soulever une exception de procédure peut revenir à demander « plus » que la simple infirmation « en fait et en droit » – cela peut tendre à solliciter l’annulation du jugement : alors, « la dévolution s'opère pour le tout » – article 562 CPC en son dernier alinéa, lequel demeure tel quel, même après le 1er septembre

2017.

De même, l’article 542 du CPC, même après le passage du décret du 6 mai 2017, évoque l’annulation du jugement : « l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la Cour d'appel ».

 

LE CHAMP DE L’APPEL NULLITÉ

Cet « appel nullité » n’est jamais qu’un recours conditionné par l’existence d’un vice intrinsèque d’une particulière importance, comme un excès de pouvoir.

Il est clair qu’une simple erreur de droit ne saurait ressortir d’un excès de pouvoir ; mais quid si :

◆ la JLD a méconnu l’article L3211-12-1 (IV : mainlevée d’office lorsqu’il n’a pas été statué « avant l'expiration du délai de douze jours » à compter de l’admission – idem, si le Juge a été saisi plus de huit jours après l’admission – mainlevée « acquise », qui plus est « sans débat » – même texte) ?

◆ la saisine du JLD a « oublié » un curateur, alors que toute signification faite à la personne protégée « l'est également au curateur » « à peine de nullité » – article 467 CC ? (cf. aussi article 468 quant à la représentation en justice).

Et si les conditions initiales de l’hospitalisation forcée n’ont pas été réunies, n’est-ce pas assimilable aux nullités de l’acte introductif d’instance – champ glorieux de l’appel nullité ?

Toute nullité en la matière porte atteinte aux droits de la personne hospitalisée – dans la mesure où ses libertés fondamentales d’aller et de venir, de consentir ou non à des soins, sont en jeu…

 

ESQUISSE DE CONCLUSION :

Il ne saurait être question que l’avocat de la première instance s’abandonne au seul fond, en réservant à l’appel les exceptions de procédure : ce serait contraire à notre génétique d’avocat que de découper ainsi l’instance, et ce serait contraire au principe de la concentration des moyens ; l’avocat se doit d’ouvrir l’éventail de toutes les possibilités de défense, et il doit rester singulièrement vigilant quant aux nullités de procédure ; il en est de l’intérêt du justiciable, du procès – et du juge.

Au profit des faibles et des vulnérables, la procédure est un outil qui peut être utilisé : le « couteau suisse » des nullités ne doit pas être négligé – et doit continuer à prévaloir en appel.

La Cour de cassation nous a récemment privés, dans le cas d’une hospitalisation de longue durée, du droit de critiquer les décisions passées du JLD, dont la décision initiale de maintien⁴, au nom de l’autorité de la chose jugée : raison de plus « d’y aller » quant aux occasions qui nous restent… et de voir quant à ces

appels-nullités.

Remerciements à Mes Didier Liger, SAF Versailles et Aurore Bonduel, SAF Lillle pour leurs réflexions, suggestions et documentations à l’occasion de la rédaction de cet article.

1 Pour un exemple d’application : Crim. 15 octobre 2014 – n° de pourvoi:12-83 594 ECLI:FR:CCASS:2014: CR04907).

2 Civ. 1ère 8 juin 2016 n° de pourvoi: 15-25147 Publié au bulletin – dans le même sens : 1ère Civ., 1er .07. 2009, pourvoi n° 08-11.846, Bull. 2009, I, n° 152 (rejet) ; 1ère Civ., 23.02.2011, pourvoi n° 10-11.862, diffusé ; 1ère Civ.,27.02.2013, pourvoi n° 12-15.308, diffusé.

3 Sauf quelques rares exceptions en matière de computation des délais en raison des distances - articles 643 et 644 du code de procédure civile – CPC – inapplicables

4 Cass. Civ. I, 19.10.2016, pourvoi 16.18849, publiée, DALLOZ actualités, 8 nov. 2016, obs. R. MESA ; JCP 14 no v. 2016. 1212, « zoom » M. DOUCHYOUDOT– : aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, antérieure à l’audience à l’issue de laquelle le JLD se prononce sur la mesure, ne peut, à peine d’irrecevabilité soulevée d’office, être soulevée lors d'une instance ultérieure devant ce même juge.

 

par Pierre Bordessoule de Bellefeuille

SAF Versailles,

Président de la commission HO et personnes vulnérables

Publié page 37 – revue du SAF -page 37 – octobre 2017