Le paiement des loyers commerciaux

Introduction : il a été dit que les entreprises commerciales pouvaient s’affranchir du paiement de tout loyer - mais la vérité textuelle est un peu différente : la suspension d’un acquittement de loyer commercial n’entrainera pas certes pas sanction (aucun risque de déchéance du terme), mais, ce que ne dit pas le texte, la dette en principal demeurera.

L’hypothèse : un « défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux » par les locataires (ordonnance n° 2020-316 du 25.03.2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19, article 4).

La conséquence : une absence de conséquences : une absence de « pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions » (même art. 4).

Champ temporel : « les dispositions ci-dessus s'appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée » (même article 4). La date de début est donc connue – la date de fin est présumée (11 mai ? … plus deux mois ?).

Les bénéficiaires : non pas des particuliers mais des « personnes physiques et morales de droit privé » de deux catégories :

  • "celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire", au visa "d'une attestation de l'un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert la procédure",
  • et celles in bonis mais « qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité » créé par l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020.

en particulier :

A – neuf conditions cumulatives d’éligibilité relatives à leur niveau d’activité d’avant la crise : il s’agit des entreprises « susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité » : ce fonds de solidarité a fait l’objet du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 - et les bénéficiaires qui y sont désignés ainsi en article 1 : des « personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, ci-après désignées par le mot : « entreprises », remplissant les conditions suivantes : »
« 1° Elles ont débuté leur activité avant le 1er février 2020 ; »
« 2° Elles n'ont pas déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 ; »
« 3° Leur effectif est inférieur ou égal à dix salariés. Ce seuil est calculé selon les modalités prévues par le I de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ; »
(c'est-à-dire la « moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile précédente »),
« 4° Le montant de leur chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 1.000.0000,00 €. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos d'exercice, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83.333,00 € ; »
Note : selon le dernier alinéa de l’article 1, « la notion de chiffre d'affaires s'entend comme le CA H.T. ou, lorsque l'entreprise relève de la catégorie des BNC, comme note : les recettes nettes hors taxes ».

 « 5° Leur bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l'activité exercée, n'excède pas 600.000,00 € au titre du dernier exercice clos. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos un exercice, le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant est établi, sous leur responsabilité, à la date du 29 février 2020, sur leur durée d'exploitation et ramené sur douze mois ; »
« 6° Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, au 1er mars 2020, d'un contrat de travail à temps complet ou d'une pension de vieillesse et n'ont pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d'indemnités journalières de sécurité sociale d'un montant supérieur à 800,00 € ; »
« 7° Elles ne sont pas contrôlées par une société commerciale au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce ; »
(majorité de vote par exemple via une détention directe ou indirecte du capital social conférant une majorité de vote et/ou de contrôle)

« 8° Lorsqu'elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d'affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils fixés aux 3°, 4° et 5° ; »
« 9° Elles n'étaient pas, au 31 décembre 2019, en difficulté au sens de l'article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ».

B - une condition alternative liée à la crise : avoir fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou avoir subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 (art. 2 selon version consolidée au 16.04.2020).

Observations : peu d’entreprises devraient arriver à bénéfice de cette « gratuité » (qui de toutes les façons n’en est donc pas vraiment une) à l’issu d’un parcours du combattant au regard de textes assez abscons et de démarches assez complexes.

Et les particuliers locataires sont exclus de tout mécanisme « d’exemption temporaire » - alors même que leur sort mériterait attention.

Il est à espérer un accord amiable bailleur/locataire – tel ministre a incité le 16 avril 2020 les institutionnels de la location commerciale de faire preuve de compréhension en la matière.

Il est à redouter un contentieux futur de révision du loyer pour imprévision – ou pour modification des facteurs locaux de commercialité.


Le droit de la présente crise sanitaire est complexe : plus d’une soixantaine d’ordonnances et de décrets en moins d’un mois.

Un problème particulier nécessitera donc toujours autant une réponse particulière et « ciblée ».

Les avocats du Cabinet des Bords de SEINE restent joignables par téléphone, courrier, fax ou courriel, en semaine, aux heures habituelles de bureau.

Restons tous vigilant-e-s et mobilisé-e-s, respectons les gestes barrières et le confinement !

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