Dans mon précédent article, j’évoquais le nouveau divorce sans juge, par acte sous signature privée contresigné par avocats, et son fonctionnement.

Depuis son entrée en vigueur, les époux qui viennent me consulter le brandissent comme la panacée (rapide et pas cher). 

Si c’est une formidable opportunité pour les avocats de la famille de faire valoir leur savoir-faire, c’est aussi pour les clients la certitude de maîtriser la durée de la procédure, le coût et de disposer d’une convention sur-mesure. Pour autant, contrairement aux idées reçues, ce divorce ne sera pas forcément moins cher, ni plus rapide car il n’est pas fait pour tous les types de divorce.

Plus que jamais, cette matière, souvent déconsidérée, devra faire l’objet d’une attention particulière car la réforme change la donne en matière de qualification juridique de l'acte, notamment en raison de la réforme du droit des contrats. Outre le fait qu’il conviendra de s’approprier cette nouvelle procédure, et de vaincre la réticence des Notaires, les avocats comme les clients devront être prudents et avisés.

 

1.  Ce divorce n’est pas fait pour tous les cas de divorce

Tout simplement parce que l’objectif de rapidité et de simplicité recherché n’est réel que s’il n’y a pas de biens (en tout cas immobilier) et pas d’enfant.

Pour rappel, dès lors qu’il y a un enfant, ce dernier doit impérativement remplir un formulaire l’informant de son droit à être entendu par le juge. On comprend mal comment l’enfant pourrait être entendu alors que ce type de divorce présuppose un accord sur toutes les conséquences de la séparation y compris concernant les enfants. D’autant que le formulaire précise à l’enfant « j’ai compris que suite à ma demande un juge sera saisi du divorce de mes parents ». On fait mieux pour la pacification de la séparation. Ainsi, obliger nos clients à faire signer à leurs enfants ce formulaire apparaît pour beaucoup comme inconcevable.

Ensuite, dès lors qu’il existe un ou des biens immobiliers, il faudra demander au Notaire de préparer un acte liquidatif. Cet acte, qui détermine ce que les époux doivent partager, a une influence sur l’octroi d’une éventuelle prestation compensatoire ; et donne parfois lieu à des négociations complexes. Par exemple, en l’absence de contrat de mariage, les époux se partagent le boni de communauté et par conséquent si chacun récupère des biens ou des sommes importantes, il ne sera pas dans la situation de celui qui n’aura aucun avoir, aucun bien. D'où l'importance de prendre son temps pour décortiquer les conséquences financières des choix des époux.

2.   Ce divorce nécessite une étude approfondie des conséquences juridiques et fiscales, qui ne pourront plus être « purgées » par le passage devant le juge.

En réalité, la réforme parallèle opérée en droit des contrats engendre des incertitudes sur les conséquences de l’acte signé qui est désormais une convention  (terme utilisé par l’article 229-3 nouveau du code civil) : remise en cause de la convention, questions d’extranéité (lorsque les époux ne sont pas français ou ne vivent pas en France), caractère « exécutable » du divorce et de ses conséquences (comment faire exécuter la décision à l’étranger par exemple pour la pension, la contribution des enfants), révision de la prestation compensatoire.

Il n’aura plus le caractère judiciaire mais uniquement conventionnel si bien qu’un des époux pourrait chercher, après coup, à remettre en cause la convention (vice du consentement, dol, imprévision etc). D’où les débats récents sur la pérennité de la convention de divorce.

Là encore, l'expertise des avocats de la famille des deux époux est impérative pour un conseil avisé, permettant aux époux de faire les bons choix.

 

3.  Ce divorce pose aux Notaires des difficultés. 

La loi dit en effet que désormais la convention est "déposée au rang des minutes d'un notaire". Nulle autre précision si ce n’est le respect des règles et exigences formelles prévues aux 1° à 6° de l'article 229-3 du code civil.

Or, les Notaires souhaitent voir ajouter des règles qui n’existent pas comme la signature de l’acte en leur présence.

Si la question du décès d’une partie entre la signature de la convention et son dépôt est légitime, ou encore le contrôle de l’acquittement des droits d’enregistrement, en revanche, imposer des règles sans respecter la lettre des textes est problématique.

En conclusion, ce divorce n'est pas forcément moins cher puisqu'il faut deux avocats et un véritable audit patrimonial et de la famille dans les cas complexes ; ce qui engendrera des discussions et des négociations. Pas forcément plus rapide car justement en cas de patrimoine important, les choix stratégiques sont à examiner à l'aune de l'acte de partage rédigé par le Notaire, et des conséquences fiscales ; ce qui nécessitera également un temps de réflexion et de préparation de la convention de divorce proprement dite.

Ne doutons pas qu’avocats et notaires puissent travailler en bonne intelligence pour permettre aux époux de divorcer dans les meilleures conditions.