Dans un arrêt du 9 mai 2018, destiné à être publié au bulletin, la Cour de cassation tranche une question inédite en matière de requalification du contrat à durée déterminée (CDD) d’un salarié protégé.

En l’espèce, le salarié avait été engagé par un premier contrat à durée déterminée en 2009. Plusieurs contrats s’étaient succédé jusqu’en août 2012, date à laquelle l’employeur avait choisi de ne pas renouveler le dernier contrat, qui contenait une clause de renouvellement. Le salarié, titulaire d’un mandat de conseiller prud’homme, était protégé. L’employeur avait donc sollicité l’autorisation de l’inspecteur du travail avant de mettre fin à la relation contractuelle, comme le prévoit l’article L 2412-13 du Code du travail. Le non-renouvellement, refusé par l’inspecteur du travail, avait finalement été autorisé par le ministre du travail, saisi sur recours hiérarchique, en janvier 2013.

Le salarié avait alors saisi le juge prud’homal pour qu’il requalifie le premier de ses CDD en CDI, et qu’il prononce la nullité de la rupture du contrat pour violation du statut protecteur.

La demande est rejetée par la Cour de cassation : en application du principe de séparation des pouvoirs entre ordres administratif et judiciaire, le juge prud’homal n’était pas compétent pour se prononcer sur la demande de requalification du contrat.

Solution somme toute logique puisqu'en application de la jurisprudence administrative, lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation de non-renouvellement d’un contrat de travail à durée déterminée, l'inspecteur du travail doit vérifier notamment la nature réelle du contrat de travail.

Si en cours d'instruction, l'inspecteur du travail constate en effet que le contrat sur le fondement duquel il est saisi présente les apparences d'un contrat à durée indéterminée, ce qui est le cas si l'employeur n'a pas respecté les dispositions relatives à la législation sur le CDD, il doit rejeter la demande présentée.

Il résulte de la décision du 9 mai 2018 que, pour la Cour de cassation,  le contrôle administratif n’est pas limité à l’examen de la licéité du seul contrat justifiant une demande d’autorisation de rupture. Il porte sur l’ensemble de la relation contractuelle. L’autorisation de non-renouvellement du dernier CDD purge ainsi de tout vice la relation contractuelle dans sa globalité.

Il appartenait donc en l’espèce au salarié de former un recours pour excès de pouvoir à cet égard ou de présenter devant le juge judiciaire, au soutien ou en préalable à sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée, une exception d’illégalité à l’encontre de la décision administrative, action dont on rappelle qu’elle n’est soumise à aucun délai (CE 29-5-2017 n° 393280 ; Cass. soc. 21-6-2017 n° 15 24.451 F-D).

Cass. soc. 9-5-2018 n° 16-20.423 FS-PB